Pour ce nouvel épisode du Curious Live, les étudiant⸱e⸱s du Master MASCI sont de retour pour échanger autour de la communication inclusive, et plus particulièrement sur la diversité culturelle et ses enjeux.
La multiculturalité en France : une notion grandissante, source de richesse…
La multiculturalité, que l’on peut définir comme la capacité de plusieurs cultures à exister et cohabiter ensemble au sein d’un même pays et qui, selon l’UNESCO, “multiplie les choix, nourrit un éventail de compétences, de valeurs humaines, et de visions du monde”, s’élève aujourd’hui à plus de 20% en France, témoignant d’une diversité riche et de la pluralité des cultures.
À en croire une enquête de 2022 du baromètre Expat communication, 74 % des personnes expatriées interrogées “s’attendent à des enjeux culturels lors de leur départ”. Une véritable volonté d’intégration au sein d’un nouveau pays, d’autant plus facilitée lorsque ces enjeux sont anticipés. De plus, selon une étude menée par Elabe pour la fondation Mozaïk en 2021, 84 % des Français·e·s estiment que la diversité sociale, culturelle et ethnique dans le monde du travail est une bonne chose.
…mais parfois perçue négativement
Malgré un point de vue globalement positif de la part des français·e·s à l’égard de la diversité culturelle, celle-ci peut également être mal perçue, s’érigeant alors comme un frein à l’inclusion.
En effet, selon le Ministère de la Culture, la multiculturalité pourrait être considérée de manière négative car brisant l’unité linguistique de la France et pourrait ainsi “être farouchement combattue, au nom de la préservation d’une unité ethnique, linguistique, religieuse ou nationale, ou simplement tolérée.” Cela entraîne également une certaine forme d’injustice et parfois des inégalités d’accès, créant un fossé entre les groupes ethniques, et compromettant l’idéal d’une société égalitaire. Et puis, se pose aussi la question des stéréotypes. Lorsqu’ils entrent en jeu, les discriminations peuvent créer un cycle destructeur où les perceptions négatives se perpétuent, rendant plus compliquée la remise en question de ces schémas.
Des moyens pour favoriser l’intégration des personnes expatriées
Dans le but de favoriser l’intégration des personnes d’origine étrangère afin qu’elles se sentent pleinement incluses, de nombreux supports ont été mis en place par différents organismes. À titre d’exemple, le média en ligne Lesfrancais.press touchait en 2021 plus de 37 millions de visiteurs au travers des quelque 1 800 articles publiés. Un média en ligne qui a même mené à la création d’une chaîne YouTube éponyme. D’autres sites internet sont eux expressément dédiés à faciliter l’arrivée des individu·e·s dans leur pays d’adoption, à l’image d’Expat Communication qui propose différents programmes pour réussir leur intégration, en les accompagnant entre autres autour des enjeux internationaux et culturels auxquels iels sont confrontés. Des outils qui sont donc de plus en plus nombreux à être mis en place afin de faciliter la nouvelle vie des expatrié·e·s, mais également des Français·e·s installé·e·s à l’étranger, qui seraient plus d’1 600 000 d’après les chiffres de janvier 2022 de la Direction de l’information légale et administrative, témoignant d’une réelle volonté de découvrir une nouvelle culture et s’approprier ses codes.
En termes d’outils communicationnels, nous pouvons mentionner l’avènement d’Internet et les réseaux sociaux, qui ont favorisé le regroupement de communautés et qui contribuent au rayonnement de la multiculturalité à travers le monde. C’est le cas d’un très grand nombre de groupes sur Facebook tels que Expats living in France qui compte aujourd’hui plus de 75 000 membres. Les réseaux sociaux permettent de former des communautés de personnes ayant des caractéristiques communes, et donc de se sentir plus inclus·e, en opposition à un individualisme notable dans la société contemporaine. Des associations dédiées aux expatrié·e·s autour du monde existent aussi afin d’aider à l’intégration de ces dernier·ère·s en France, telles que WICE (Where Internationals Connect in English) basée à Paris et qui propose une variété d’activités pour faciliter la nouvelle vie de ces individu·e·s. Du côté des applications mobiles, nous retrouvons UNBLND, qui permet de lutter contre la solitude à l’arrivée dans un nouveau pays en faisant des rencontres basées sur les centres d’intérêt de la personne inscrite. Enfin, l’État français a de son côté lancé le site Internet “Étrangers en France”, sur lequel les personnes expatriées peuvent trouver des informations et de l’aide concernant leurs démarches administratives (demande ou renouvellement d’un titre de séjour, demande de nationalité française…)
Une nécessité d’adaptation de la part des entreprises
Pour les marques, ce multiculturalisme grandissant implique de nombreux enjeux. Il est notamment indispensable de s’adapter aux différences culturelles, surtout lorsque les entreprises se déploient à l’étranger. Pour ce faire, il est d’abord nécessaire d’effectuer une recherche approfondie sur la culture en question, afin de comprendre ses valeurs et croyances pour mieux communiquer.
De même, il est également essentiel de savoir si le pays est davantage tourné vers une communication directe ou une communication indirecte, plus subtile. On ne communiquera pas de la même manière en Amérique du Nord, où l’on favorise la communication et les messages directs, sans sous-entendus, qu’en Chine par exemple, où l’implicite et la communication indirecte priment sur le reste et où un message trop direct risquera d’être mal compris, ignoré ou pourrait même paraître agressif voire offensant. À titre d’exemple, la marque française Yves Rocher semble maîtriser les enjeux autour de la nécessité d’adapter sa communication à l’étranger, en étant actuellement présente dans 91 pays à travers le globe, dont la Chine et la Russie. Bien que l’image de marque et le packaging de leurs produits ne diffèrent pas, la communication sur leur site internet chinois est par exemple bien plus discrète que celle réalisée en France. Cela se remarque aussi dans les produits eux-mêmes, adaptés aux tendances esthétiques du pays en question et introuvables dans les boutiques françaises.
Le partenariat entre marque et diversité culturelle
Au niveau des marques, nous observons une réelle volonté d’inclusion à travers des campagnes de communication percutantes avec certaines mettant en avant la diversité culturelle de manière efficace. Fenty Beauty, marque de cosmétiques de la chanteuse Rihanna, a par exemple été saluée pour sa large gamme de fonds de teint, offrant des options adaptées à toutes les couleurs de peaux. Des initiatives applaudies pour leur véritable engagement en faveur de l’inclusion.
La multiculturalité semble alors de plus en plus présente dans la communication des entreprises et des médias. Si cette action est aujourd’hui incontournable pour les marques et les organisations, elle est notamment motivée par la crainte des retombées négatives de la part du public jugeant d’un manque de diversité, d’autant plus à l’avènement des réseaux sociaux. Des commentaires de la part d’internautes qui entraînent aujourd’hui les entreprises à prendre de nouvelles mesures, à l’image de marques de luxe embauchant des directeur·ice·s de bonne conduite, dédié·e·s à promouvoir la diversité et l’inclusion et ainsi éviter tout faux pas. Un enjeu aujourd’hui essentiel afin de mettre en lumière des personnes d’habitude invisibilisées.
Attention au “diversity washing” !
Cependant, à trop tenter d’être inclusives, les marques peuvent tomber dans le “diversity washing”.
Selon Forbes, le “diversity washing” se produit lorsque les dirigeants engagent des personnes issues de la minorité dans des rôles n’ayant pas de réelle fonction au-delà de faire de fausses promesses aux communautés en question afin d’être plus rentables. Cela peut prendre la forme de campagnes publicitaires opportunistes ou de stratégies marketing visant à capitaliser sur la popularité croissante de la multiculturalité. Ces actions produisent souvent un effet inverse et les individu·e·s ne se sentent finalement pas réellement inclus·e·s. En effet, selon une étude de Kantar Insights et The Good Company, 72% des Français·e·s déclarent que l’inclusivité est importante dans la publicité mais seulement 32% considèrent que la publicité reflète bien la diversité de la société française aujourd’hui. Iels sont également nombreux·se·s à douter de la sincérité des marques qui pratiquent cette communication inclusive.
Ainsi, pour éviter de tomber dans ce piège, les marques doivent aller au-delà de simples campagnes de communication. Elles peuvent le faire en partageant des histoires authentiques qui suscitent de l’émotion auprès des consommateur·rice·s ainsi qu’en intégrant la multiculturalité dans leur ADN, à travers des politiques inclusives et la favorisation de la diversité au sein de leurs équipes. De plus, une transparence totale de leurs actions et une réelle implication dans des causes liées à la diversité sont essentielles pour établir une véritable connexion avec leur public.
La multiculturalité devenue incontournable
Une croissance sans précédent des entreprises multinationales, la possibilité de commander un produit quelle que soit son origine, des outils de communication qui ignorent les frontières, des échanges internationaux qui font partie du quotidien et des événements politiques avec des portées internationales… Autant d’éléments faisant qu’il serait aujourd’hui impossible de construire des stratégies de communication et de choisir les bons outils sans penser au-delà des frontières nationales. La multiculturalité est alors au cœur des enjeux d’inclusion contemporains, enjeux que les entreprises, les marques et les médias se doivent désormais de prendre en compte.
Flavien BERT et Léa SIMONNET