Le 8 février dernier, professionnel·e·s communicant·e·s et étudiant·e·s du Master MASCI se sont réuni·e·s dans le cadre de la cinquième édition de l’Afterwork. Consacrée au thème “Incluons et communiquons ensemble”, la table ronde a permis à divers acteur·rice·s de secteurs variés de s’exprimer sur les questions suivantes : qu’est-ce-qu’une communication inclusive, comment la mettre en place et quels sont les défis auxquels les organisations doivent-elles faire face ?
Organisé depuis 2019 par les étudiant·e·s du MASCI (Master en Stratégies de Communication Internationale, université de Bourgogne) dans le cadre de leurs missions du Curious Lab, l’Afterwork organisé au bar “Un singe en Hiver” proposait un programme riche : table ronde, quizz interactif autour de l’inclusivité comme communication de demain et job dating.
L’Afterwork a ainsi accueilli des étudiant·e·s et des professionnel·le·s communicant·e·s du territoire : représentant·e·s d’organisations tel·le·s que La Poste, EDF ou encore d’agences de communication comme JPM Partner, EBRA Events et Les Intrépides.
Travaillé tout au long de l’année par les étudiant·e·s du Master et de plus en plus abordé dans le débat public, le sujet de l’inclusivité s’imposait naturellement comme thème de l’événement. Une table ronde, animée par Clémentine Hugol-Gential, professeure des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication et directrice du master, et par Eva Ceylan, étudiante en deuxième année du Master, a permis à cinq représentant·e·s de secteurs variés du territoire d’échanger à ce sujet :
- Ophélie Duthu, directrice des opérations à l’agence de communication Propulse ;
- Kildine Bataille, Maire-adjointe Petite Enfance et Égalité femme/homme à la Ville de Dijon ;
- Marie-Thérèse Pugliese, directrice du Dispositif Institut d’Éducation Motrice chez APF France Handicap ;
- Isabelle Maille-Ferrières, responsable de la communication chez EDF en Bourgogne Franche-Comté;
- David Butet, président du Mouvement des Entreprises DE France (MEDEF) Côte-d’Or.
Après une courte présentation, les invité·e·s ont lancé le débat en essayant de définir ce qu’est la communication inclusive.
Comment définir une communication inclusive ?
Une chose est sûre : il n’existe pas de définition universelle. Mais nos intervenant·e·s ont tenté d’en trouver une.
Selon Isabelle Maille-Ferrières, c’est une tendance émergente qui tend à mettre fin à une communication stéréotypée, à remettre en cause certaines normes pour permettre une interaction avec le public et une plus grande représentativité.
Pour Marie-Thérèse Pugliese, il s’agit d’arrêter de creuser les différences par le regard des autres puisque nous sommes par nature tous·tes différent·e·s. C’est l’apprentissage de la vie : “le vivre ensemble”.
Quant à David Boutet, même si la communication inclusive n’est pas naturelle pour tout le monde, il est important d’inclure le plus grand nombre de personnes. Pour le MEDEF, c’est un challenge pour lequel des actions ont été lancées telles que l’Handijob ou le Comité Femme Leaders.
Il est impératif pour Kildine Bataille de communiquer égalitairement. Il faut s’adresser à tous·tes quelle que soit sa culture, sa sexualité ou son genre. C’est, selon elle, un sujet éminemment politique.
Enfin, Ophélie Duthu souligne que la communication est humaine avant tout, mais qu’il s’agit d’un sujet complexe et tellement simple à la fois.
L’inclusivité dans la politique publique
Inclure les citoyen·ne·s dans une société remplie d’inégalités, c’est le défi que relève Kildine Bataille. En 2014, la ville de Dijon signait une charte d’engagement sur l’égalité afin de cultiver l’inclusivité et la valorisation de tous·tes. Selon Kildine Bataille, l’inclusivité réside dans notre manière de communiquer grâce à une bonne stratégie de communication. Cela passe notamment par la charte de communication indiquant que les discours prononcés par les élu·e·s (écrit, oral, etc.) doivent être relus avec attention pour éviter d’éventuels messages stéréotypés.
L’inclusivité passe également par l’exposition publique de certains sujets tabous comme le confirme la Maire-adjointe, tels que l’adoption de congés menstruels ou encore le débat sur les personnes non-binaires. L’inclusivité c’est aussi l’organisation d’événements. C’est le cas par exemple du Mois de l’Égalité, organisé pour la troisième année consécutive par la ville de Dijon et où petit·e·s et grand·e·s se rencontrent et réalisent des activités en lien avec la culture.
Communication de marque et inclusivité, est-ce possible?
Pour Ophélie Duthu, il est tout à fait possible d’allier une bonne communication de marque à une dimension éthique. Tout d’abord il faut “chercher l’intention derrière la communication, comment elle est déployée chez les clients [de l’agence]”. Si on ne sonde pas le client sur le bien-fondé de sa démarche, on risque de vite tomber dans le processus inverse, le phénomène de washing. Favoriser l’inclusivité, c’est mobiliser l’intelligence collective et la diversité des collaborateur·trices·s pour confronter les a priori. Avant de se transmettre à l’externe, l’inclusivité doit être cultivée en interne, par tous·tes les collaborateur·trice·s d’une organisation.
Côté annonceur, l’inclusivité est la clé pour les entreprises puisqu’elle participe à la réputation de l’organisation, comme le soutient Isabelle Maille-Ferrières. Cette dernière admet que l’inclusivité se manifeste dans la politique portée par les ressources humaines en interne. Une fois adoptée par les collaborateurs·rices, la politique d’inclusion est par la suite communiquée en externe. Au sein d’une organisation, l’inclusivité se réinvente au quotidien à travers des thématiques actuelles comme par exemple la question autour de l’égalité femme-homme.
L’inclusivité, oui mais comment ? Et à quel degré ?
Il existe différentes manières de développer l’inclusivité comme par exemple revoir sa manière de manager. Selon Ophélie Duthu, il faut mettre l’accent sur les soft skills, la bienveillance et l’empathie en préparant ses équipes à l’ouverture. Il faut également cultiver la tolérance dans le collectif et acquérir de l’authenticité pour que chacun·e puisse s’exprimer et se révéler tel qu’iel est. Comme le confirment la directrice de Propulse et Kildine Bataille, adopter une communication assertive, c’est-à-dire visant à s’exprimer et à défendre ses droits sans empiéter sur ceux d’autrui, est une des clés de l’inclusivité (source : cadremploi).
Créé il y a maintenant six ans au MEDEF, le Club des Entreprises S’Engagent, label d’État, met en avant les entreprises qui s’engagent dans la thématique de l’inclusivité. David Butet affirme qu’en un an et demi 180 entreprises ont pu être mobilisées et 54 labellisées. Cette initiative a également permis de recueillir de nombreuses données liées à l’inclusion, pourtant encore peu présentes. D’après le président, “c’est en collectif qu’on peut faire progresser”, il faut donc des chiffres pour réussir à avancer sur ces questions.
Des défis à l’aube d’une communication inclusive
Marie-Thérèse Pugliese insiste sur l’autodétermination : il ne faut pas parler à la place des personnes en situation de handicap. Défendre les droits des citoyen·ne·s, mettre en place des expérimentations, essayer de ne pas rester fermé·e·s, envisager des collaborations ou encore se faire connaître sont des solutions énoncées par cette dernière.
Quant à Kildine Bataille, attaquée par des habitant·e·s de la ville la qualifiant de “terroriste LGBT”, elle dénonce la montée des conservatismes qui vient contrebalancer le progrès obtenu après le mouvement #MeToo. L’une des solutions qu’elle envisage : partir d’un principe d’accessibilité universelle en pensant toutes les politiques publiques par le prisme des plus fragiles afin de soulever ce type de questionnements importants. Car pour elle, l’inclusion “c’est tous les jours. Elle se loge dans plein d’interstices du quotidien.”
Alors, quels sont les mots-clés à retenir sur la communication inclusive ?
“Humanité”, Ophélie Duthu
“Vivre ensemble”, Isabelle Maille-Ferrières
“Solidarité”, Marie-Thérèse Pugliese
“Laïcité”, David Butet
“Liberté”, Kildine Bataille
“Empathie”, Clémentine Hugol-Gential
Ce sont sur ces derniers mots que cette table ronde s’est terminée.
Manal Louraïchi & Amandine Viau