Mais Jamy, c’est quoi la data ?
Tout d’abord, qu’appelle-t-on la donnée ? Ce terme dont on parle si souvent mais qui semble flou pour la plupart d’entre nous. La donnée peut être définie comme « tout enregistrement factuel sous forme numérique (en fonction du contexte : images, textes, vidéos, caractéristiques physiques d’un objet, résultats d’analyses ou d’enquêtes, etc.), nécessitant des équipements matériels et des logiciels pour sa collecte, sa sauvegarde, son traitement et sa réutilisation. »
Aujourd’hui, l’exploitation de la donnée ou data, offre de nombreuses opportunités économiques et de développements. Ces évolutions ont rendu plus importants les enjeux industriels mais aussi économiques et commerciaux. Elles génèrent une lutte mondiale sans merci, pour la possession et la gouvernance des données et sont susceptibles de violer les droits et libertés fondamentales régissant la vie de chacun.
L’économie de la donnée est en expansion, le marché mondial du Big Data s’élèverait à plus de 200Mds$ en 2020 et le volume mondial des données devrait continuer d’augmenter de manière explosive d’ici à 2025 (on parle d’une hausse de 530% environ). Récemment, cette croissance des données s’est accompagnée de la mise en place de réglementations liées aux conditions de la confiance, notamment en Europe avec les normes RGPD : le règlement général sur la protection des données. Ce règlement est, dès lors, devenu une référence mondiale. Malgré tout, cela n’a pas pour autant éliminé les vulnérabilités technologiques, sécuritaires et sociales liées à l’économie de la data.
Détenir l’information, c’est-à-dire la capacité de collecter, de croiser et d’analyser ces données, confère aux entreprises ou à certains individus une forme de pouvoir économique, d’influence, et enfin de domination. Dans notre société numérique actuelle, la gestion des données est devenue cruciale : elle constitue un facteur de création de richesse et d’innovation.
Mais en résumé, comment ça marche ? Et bien, la collecte des données personnelles ou l’abandon de façon insouciante des données personnelles (souvenez-vous des cookies) est favorisé par l’attrait d’applications mises au point par les géants du numérique pour créer une forme d’addiction et un besoin irrépressible d’achat. Ils ont construit leurs modèles économiques sur la publicité ciblée en ayant recours à des méthodes dérivées de sciences cognitives pour susciter ces besoins. Les données et les fameux cookies servent donc principalement à savoir sur quel site un utilisateur est allé et ce qu’il y a fait. Ensuite, cet utilisateur peut être suivi sur d’autres plateformes, afin de lui adresser des pubs en rapport avec son parcours sur le site qu’il a visité précédemment. Avec cette méthode, les annonceurs peuvent cibler plus précisément les internautes et potentiellement leur proposer des publicités qui ont plus de chance de les intéresser.
Souvenez-vous donc de ce proverbe: si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit !
Apple et son nouveau positionnement vis-à-vis de la vie privée des utilisateurs
Cependant, Apple en a décidé autrement. Un positionnement qui va à contre-courant de nombreuses entreprises : se placer en comme le défenseur de la vie privée numérique.
Tim Cook, le chef exécutif de la marque à la pomme croquée, dira lors d’une conférence sur la vie privée à Bruxelles en 2018 :
“Des entreprises veulent vous faire croire que vos données sont nécessaires pour que leur service soit meilleur. Ne les croyez pas. Peu importe la personne qui vous dit ça : ce sont des foutaises […] ces montagnes de données collectées par des entreprises ne servent qu’à une chose, les enrichir. Et cela doit cesser […] nous pourrions nous faire beaucoup d’argent si nous monétisions nos clients, s’ils étaient notre produit. Mais nous avons choisi une autre voie”.
Cette nouvelle “voie” s’axe donc sur la confidentialité. Pour Apple, le respect de la vie privée est un droit fondamental et c’est devenue l’une des valeurs essentielles d’Apple.
Cette nouvelle “voie” s’axe donc sur la confidentialité. Depuis 2019, avec la campagne “ ce qui se passe sur votre iPhone reste sur votre iPhone” a opéré un virage dans sa stratégie de communication et de différenciation. Une communication, qui est appuyé par plusieurs campagnes, à la TV, en affichage abribus, mais aussi sur internet, en particulier lors des keynotes (terme utilisé par Apple pour désigner leurs conférences) d’Apple.
Lors des keynotes annuelles WWDC (WorldWide Developer Conference), Apple aborde en plus des nouvelles fonctionnalités logicielles, les nouvelles mesures prises sur la confidentialité de ses utilisateurs et l’exploitation des données personnelles.
La question sur la protection de nos données est devenue progressivement un critère dans l’acte d’achat des consommateurs, et Apple l’a bien compris.
Cette année, avec la WWDC, Apple lance sa mise à jour iOS 14.5 pour iPhone et iPad qui vient bousculer le marché de la donnée et de la publicité ciblée. En effet, les nouvelles versions d’iOS et iPadOS (noms des systèmes d’exploitation d’Apple) exigent que les développeurs d’applications demandent explicitement l’autorisation de pister le comportement des utilisateurs sur l’App Store d’Apple et sur Internet.
Cette nouvelle ambition d’Apple porte un coup sérieux à l’activité de Facebook, qui a basé son modèle économique sur cette stratégie. Ce n’est un secret pour personne, Facebook est très gourmand en matière de données personnelles, dont il se sert pour offrir des publicités ciblées.
Cette décision est non sans impact : Mark Zuckerberg rétorque que la décision d’Apple nuira aux petites entreprises et augmentera les coûts sur internet, tandis que Tim Cook déclare que la vie privée devrait être un droit de l’homme.
Mais concrètement, qu’est-ce-qui a changé ?
Là où Apple marque un grand coup, c’est en obligeant les applications qui traquent nos données à prévenir de manière explicite que les données de l’utilisateur seront collectées et transmises à d’autres compagnies. À la première ouverture d’une application, un message viendra les prévenir de ce traçage des données. Plus important encore, non seulement les utilisateurs en sont informés, mais ils ont la possibilité d’empêcher cela en un seul clic. La plupart des utilisateurs risquent de refuser le traçage et le partage de leurs données.
Les annonceurs et communicants, ne pourront alors plus savoir à quel “type” d’utilisateur ils ont affaire, par quoi il est intéressé et s’il a déjà acheté des produits similaires aux leurs. Par ailleurs, si l’utilisateur ne souhaite pas partager ses données, les publicités qu’il recevra sur l’application qu’il utilise ne seront plus ciblées mais génériques et communes.
Ces publicités étant alors moins efficaces, les annonceurs risquent de vouloir dépenser moins d’argent pour les emplacements publicitaires sur les apps. Beaucoup de développeurs d’apps se basent pourtant sur ces revenus pour développer et commercialiser des apps gratuites. Il est alors probable que nombre d’entre-eux développent des apps payantes (à un ou deux euros) pour pallier cela.
Si les apps payantes, qui n’ont en général pas d’espaces publicitaires, augmentent, le nombre d’espaces publicitaires sur mobile va petit à petit diminuer. Si leur nombre diminue, le prix des espaces publicitaires va alors augmenter pour les annonceurs. Mais il sera alors peu intéressant pour les petits annonceurs d’acheter des espaces publicitaires à prix élevés, pour y placer des publicités moins ciblées et moins efficaces qu’avant.
Quoi qu’il arrive, c’est Apple qui ressort grand gagnant de tout cela. Apple touche une commission sur les achats d’apps sur l’App Store, alors si le nombre d’apps payantes augmente, Apple augmente son chiffre d’affaires. Certaines grandes entreprises du Web pointent même cela comme étant la vraie motivation d’Apple, et non le respect de la vie privée des utilisateurs.
Article rédigé par Nicolas Duparfait, Luke Robert et Pierre Martins.