« Nous voulons que Line devienne un langage commun pour le monde entier. Notre but est de devenir le premier service en ligne. »
Rien que ça! Tel est le défi que se sont lancés les fondateurs d’une toute nouvelle application venu tout droit du Japon: Line. Lancée en 2011 et comptant déjà plus de 230 millions d’utilisateurs dans le monde, l’application est un véritable succès et affiche une croissance record. Depuis deux ans, elle ne cesse de faire de nouveaux adeptes, gagnant de plus en plus en terrain dans le coeur des internautes. Étoile filante ou véritable révolution dans l’univers des réseaux sociaux? Zoom sur ce nouveau venu.
Si l’application coule des jours plutôt heureux, il faut savoir qu’elle est née au lendemain d’événements tragiques. En mars 2011, un tremblement de terre, un tsunami et un accident nucléaire viennent de frapper le Japon, et la majeure partie de la population se retrouve sans accès au réseau de téléphonie mobile. La saturation des services téléphoniques plonge le pays dans la panique poussant les habitants à utiliser d’autres plateformes pour communiquer et notamment les réseaux sociaux.
Face à cette nouvelle demande, ni une, ni deux, deux ingénieurs décident de mettre au point un nouveau service et lancent une toute nouvelle application pour permettre à la population de rester en contact en toutes circonstances. C’est ainsi que le phénomène Line voit le jour. « Le timing était parfait » se souvient, M. Morikawa, l’un des fondateurs et directeur de la plateforme.
Très vite, le nouveau réseau social rencontre un succès fulgurant, enregistrant en quelques mois plus de 100 millions d’utilisateurs.
Aujourd’hui, il compte pas moins de 230 millions de membres. Les usagers se situent principalement en Asie avec, en tête de liste, le Japon, la Thaïlande, Taïwan, et l’Indonésie mais aussi, étonnamment, l’Espagne, où l’appli a fait une entrée fracassante avec déjà 15 millions d’utilisateurs enregistrés. Mais nos ingénieurs japonais ne comptent pas s’arrêter là et tentent aujourd’hui leur chance dans le reste du monde.
Dans une interview au New York Times, Akira Morikawa affiche clairement ses ambitions, espérant rentrer dans le club très fermé des plus grands réseaux sociaux de la planète et pourquoi pas, en passant, détrôner les géants Facebook et Twitter. Des déclarations que l’on pourrait juger extravagantes et pourtant, l’appli possède de sérieux atouts qui menacent de leur faire de l’ombre…
All in One:
Pour ses concepteurs, outre la messagerie et le réseau social, l’idée était de concevoir une véritable plateforme sur smartphone, qui réunirait tous les services disponibles sur Internet, avec l’ambition d’en faire un véritable portail. De ce fait, l’application a été intégralement pensée pour une utilisation sur support mobile. Du coup, Line c’est un peu un mélange de tous les réseaux sociaux en même temps: Facebook, Skype, Whatsapp ou encore Instagram, disponible directement sur votre smartphone. L’accumulation des services et des fonctionnalités sont l’une des forces indéniables de cette plateforme. Les usagers peuvent se créer un profil, passer des appels vidéos, utiliser une messagerie instantanée, partager du contenu, jouer à des jeux, prendre et retoucher des photos et bientôt, utiliser un service de musique…Bref, la totale.
Les stickers : un langage universel
L’une des fonctionnalités clés de cette nouvelle application est sans aucun doute les « stickers »: des petites émoticones complètement barrées, beaucoup plus élaborées et significatives que les smileys classiques. Ces stickers s’illustrent à travers 4 petits personnages aux airs de mangas (Moody le “lapin lunatique”, Brown “l’ourson au coeur d’or”, Moon “la tête de lune” et James “le blondinet”), mis en scène dans une possibilité infinie de scénarios pour exprimer son état d’esprit et véhiculer des émotions. Ces personnages sont devenus de véritables mascottes adulées par les usagers qui s’en donnent à coeur joie et en redemandent. Ainsi, même si les émoticones et autres idéogrammes existent depuis plusieurs années déjà, Line a décidé d’en faire son fer de lance devenu aujourd’hui un véritable business. Les usagers peuvent télécharger mais aussi acheter ces fameux stickers parmi un choix considérable. Ils constituent donc le petit plus du réseau qui compte en faire un langage universel: un nouveau mode d’expression simple et plus fun en phase avec le boom du partage de contenus visuels et surfant sur les tendances du moment: geekerie, gamification et entertainment.
En effet, ces dernières années, on constate une véritable explosion de la diffusion de contenus visuels. Pour preuve, la prolifération des infographies, l’avènement des réseaux sociaux visuels tels que Pinterest, Instagram, Youtube et le dernier en date Vine ou encore le succès des applis comme GifBoom ou Bitstrips. L’image et la vidéo régissent de plus en plus nos modes de communication et face à l’océan d’informations auquel nous sommes soumis chaque jour, deviennent de vrais alternatives pour consommer du contenu rapidement et efficacement.
Ainsi, à l’heure où l’échange d’information se veut de plus en plus visuel, proposer un mode d’expression basé sur une messagerie illustrée est une idée plutôt judicieuse. Encore plus, lorsque les contenus sont à la fois “cute” et humoristiques. Une manière de créer une plateforme d’échanges fun et amusante.
Plus de confidentialité
Alors que la plupart des réseaux sociaux inquiètent de plus en plus les utilisateurs, en matière de respect de la confidentialité des données, Line requiert bien moins d’informations personnelles et les échanges s’effectuent majoritairement en privé. Les profils sont fermés et il n’est pas nécessaire de donner son nom complet. Pour le moment, l’entreprise bride la marchandisation de données et la publicité ciblée ce qui pourrait rassurer les plus réticents à s’inscrire sur ce genre de plateforme. “Aucune conversation et aucune donnée ne sont conservées”, assurent les responsables de l’application mobile.
Une communication ciblée locale
Enfin, Line, détenu par l’un des géants de l’Internet sud-coréen, NHH Corp, ne lésine pas sur les moyens marketing lorsqu’il s’agit de se lancer dans un nouveau pays. «Nous faisons beaucoup d’efforts pour nous intégrer dans la culture locale», explique Sunny Kim, directrice générale adjointe. Line souhaite s’implanter en Europe en fournissant des services riches et amusants, mais surtout des contenus personnalisés selon les cultures locales. Pour cela, l’entreprise adopte notamment une stratégie d’endorsement où elle fait appel à des ambassadeurs locaux très populaires afin de favoriser la diffusion de son application.
Effectivement, le concept de l’application est profondément ancré dans la culture nippone et les particularités qu’elle propose ne trouvent pas nécessairement écho auprès des jeunes occidentaux. Les jeunes asiatiques, accros à leur smartphone, raffolent des stickers cartoonisés proposés par Line mais cet amour pour les idéogrammes est beaucoup moins présent dans les cultures occidentales. Les équipes devront redoubler d’effort pour convaincre de la valeur ajoutée du réseau car, pour le moment, on ne peut le nier, l’appli reste encore inconnue au bataillon sur la majeure partie du territoire européen et américain.
Alors, nos Minus et Cortex du réseau social vont-ils réussir à conquérir le reste du monde? Les Français céderont-ils aux charmes de l’application nippone? Le défi semble audacieux mais les paris sont ouverts. En attendant, une campagne française devrait voir le jour début 2014.