Prenez un collège français du début des années 2000. Tous les élèves tannaient leurs parents pour avoir un téléphone portable (on ne parlait pas de mobile et encore moins de smartphone à l’époque).
Chaque année, le nombre de gamins pouvant appeler leurs parents quand ils “finissaient plus tôt les cours” augmentait de manière exponentielle. Surtout, la cour de récré était devenue un vaste concours de celui qui ferait le meilleur score à Snake II sur son Nokia 3310.
Puis Kevin débarquait. Son frère lui avait offert le dernier téléphone à la mode. Il n’était pas plus gros qu’une carte téléphonique, ses touches étaient minuscules et tout le monde s’extasiait dessus.
Quelques années plus tard, les Nokia et autres Alcatel étaient définitivement enterrés par Apple et son iPhone, plus petit, plus léger, plus pratique.
Puis vinrent les autres générations d’iPhone, toujours plus petits.
C’était le temps où plus petit était l’égal de nouveau et par conséquent, de mieux.
Puis un jour, l’iPad fut lancé et tel un retour aux valeurs d’antan, plus grand reprit sa place de leader.
Vox californi vox Dei…
Aujourd’hui à l’école primaire (eh oui, la technologie va si vite qu’elle remonte le temps), on n’entend plus les quolibets allant : “c’est pas un téléphone, c’est une cabine” mais plutôt : “il est trop petit, avec mon S3, j’peux lire des vidéos en HD, eh !”.
Plusieurs éléments tendent à montrer que les marques sont désormais les premières à déclencher les tendances. Exemple : Apple, via une inspiration “quasi-divine” décide de lancer son iPad et tout le monde se demande à quoi ça sert mis à part les amoureux inconditionnels de la marque.
La tablette n’est pas encore une tendance à ce stade.
Puis Samsung se met dans les rangs à l’instar de tous les concurrents sur le marché et là, le superflu devient indispensable sans que personne n’ait trouvé une explication à l’utilité du nouveau produit-phare.
Ce qui fait la réussite d’une tendance, c’est bien sa reprise par les concurrents de la marque instigatrice ; le produit devenant populaire et non plus niche marketing.
Mais attention ! Ne nous faisons pas plus bête que nous le sommes. Nous ne consommons pas uniquement ces produits parce que cela nous est dicté par l’infâme société capitaliste et ses sbires les marques.
Dans le livre La révolte consommée, l’idée de consommation concurrentielle est avancée selon laquelle on se distingue par l’objet. En clair, en achetant, on essaye de surpasser l’autre.
Plus que ça, on appartient au in en écartant toute la masse de ce club privilégié qui nous fédère autour des valeurs de la marque. Dans ce contexte, des stratégies comme celles de Nespresso remportent tous les suffrages. Mise en visibilité du “club” auquel appartient tacitement chaque consommateur.
La deuxième distinction apparaît lorsque l’on a la chance de pouvoir devancer son entourage sur une tendance. Le bonheur de la découverte “en avant-première” nous pousse à consommer de plus en plus tôt avec de moins en moins de réflexion rationnelle. Pour ne pas se tromper, on se dirige donc vers les marques ambassadrices du cool. Ce phénomène met en scène les early adopters, jeunes urbains à fort pouvoir d’achat.
Le problème de ces “consommateurs précoces”, c’est qu’ils en finissent vite. Comprenez qu’ils se lassent rapidement de l’objet acquis.
On a pu le voir avec l’ascension fulgurante de Lana del Rey, encensée par les hipsters en demande de renouvellement artistique quotidien, qui se sont retournés contre elle à partir du moment où son succès est devenu populaire et mondial.
Tout comme le géant Apple qui réussit à convaincre les développeurs de l’intérêt de ses produits avant de les voir se retourner contre son hégémonie pour être aujourd’hui beaucoup plus séduits par les systèmes plus open source que propose Google.
Dans ce paradigme, les marques doivent donc redoubler de prudence en cherchant à être cool et à séduire ces relais d’opinion que sont les hipsters aujourd’hui (bobos d’hier).
Et celles qui s’adaptent à ce nouveau format d’expression, plus impliquant et surtout plus rapide, font leur trou dans les marchés saturés.