Le sponsoring dans le sport : enjeux et atouts pour les marques

33 skippers et autant de bateaux se sont élancés le 8 novembre dernier depuis les Sables d’Olonne pour la 9ème édition du Vendée Globe, la plus grande course à la voile autour du monde en solitaire et sans assistance. Les voiliers Imoca, véritables géants technologiques, sont de plus en plus innovants et rapides. Symbole incontournable de l’exploit sportif, le Vendée Globe ravit les passionnés de voile et les marques qui financent les bateaux. En effet, chaque bateau en lice pour vaincre l’Everest des mers est sponsorisé par une marque dont il porte le nom. A quelques jours de l’arrivée, nous avons pu suivre la course autour du monde avec, entre autres, les bateaux Initiative Cœur, ApiviaSodebo ou Linked Out.

Le Vendée Globe symbolise les multiples aspects du sponsoring moderne, technique marketing aujourd’hui indissociable du monde du sport. Pour comprendre pourquoi les marques choisissent d’investir dans le sport, il faut d’abord appréhender les multiples facettes prises par le sponsoring sportif. Les enseignes sont prêtes à s’impliquer dans le monde du sport via différents procédés de sponsoring impliquant tous les acteurs de ce domaine.  

Les enjeux du sponsoring d'événements sportifs

Pour une marque, sponsoriser un ou plusieurs événements sportifs représente une véritable opportunité de gagner en visibilité. D’une part, la majorité des événements sportifs est retransmise par plusieurs chaînes de télévision à travers le monde et sur internet, donc le public touché se chiffre en millions. Cela permet de viser un panel très large, issu de différents milieux, ce qui peut conduire la marque à découvrir une nouvelle cible. Sponsoriser un événement sportif populaire rend la marque identifiable, c’est l’image de marque qui est en jeu. 

Logo Rolex Paris Masters

D’autre part, le sponsoring d’événements sportifs est souvent moins cher que de payer pour de la publicité. C’est à dire qu’en plus de toucher un public plus large, la marque fait également des économies.  

 

Un événement sportif permet également à la marque de communiquer en interne comme en externe pendant une plus longue période et de valoriser son image de marque auprès de ses employés et des consommateurs.  

Il est néanmoins important pour la marque de bien cibler les événements qu’elle souhaite sponsoriser. Un championnat de football, un tournoi de tennis ou une compétition de natation n’attirent pas les mêmes publics et donc ne sont pas sensibles aux mêmes marques. 

Aujourd’hui, quelques marques sont indissociables d’événements sportifs, comme Rolex et le tennis ou Nike et la NBA. 

L'expérience de marque : le cas Red Bull

Le marketing expérientiel s’explique comme un ensemble d’émotions, d’expériences vécues par des consommateurs à l’égard d’une marque. Cela passe par un contact direct entre la marque et le consommateur. La marque Red Bull a bâti sa notoriété sur ce principe : faire vivre des expériences inédites aux consommateurs, professionnels et amateurs d’un sport.  

C’est en ce sens que Red Bull sponsorise des compétitions de sports extrêmes comme le Red Bull Cliff Diving ou le Red Bull Tout Schuss, ou encore qu’elle sponsorise des équipes dans des sports à risque, tels que la Formule 1  avec  Red Bull Racing et Alpha Tauri. 

Par ce biais, Red Bull renforce son image de marque et crée un lien étroit entre elle et les consommateurs. 

Le naming

Une marque décide donc de sponsoriser les disciplines ou événements qui partagent ses valeurs afin de renforcer son image de marque. Avec l’émergence récente du naming, la volonté des marques de s’associer à l’univers sportif est d’autant plus visible. Cette notion consiste à lier le nom d’une enseigne avec celui d’une équipe, d’un stade ou d’une compétition.  

Concept marketing emprunté à la NBA aux Etats-Unis, le naming de stade est en plein essor en France.  Reposant sur l’idée d’associer le nom du sponsor à l’infrastructure sportive qu’il finance, le naming de stade permet aux marques de profiter d’une visibilité certaine et aux villes de gagner de l’argent. Ainsi, en 2011, la MMArena du Mans fut la première enceinte ”namée” à voir le jour en France. Elle a été rejointe aujourd’hui par quinze autres stades et arenas qui sont tributaires du même type de contrat. Ces engagements sont paraphés sur le long terme, 10 ans pour la MMArena par exemple, pour un montant qui s’élève à 5 millions d’euros annuel selon les chiffres de Lagardère Sports. 

Stade Groupama
Le Groupama Stadium à Lyon.

Force est de constater que le secteur des assurances est omniprésent dans ce type de sponsoring. Nous pouvons citer le Groupama Stadium à Lyon, le Matmut Atlantique à Bordeaux ou encore l’Allianz Riviera à Nice. Aujourd’hui, près de la moitié des acteurs principaux de ce secteur ont pris position dans ce qui peut s’apparenter à une compétition. Cette concurrence est exacerbée par la volonté des marques de s’implanter dans un territoire, d’être associées à des stades toujours plus remarquables, plus innovants d’un point de vue architectural. En outre, les marques se retrouvent alors directement impliquées dans les dynamiques de développement des villes, créant ainsi du lien social avec les citoyens à travers le monde du sport que l’on sait fédérateur.  

Variante du naming de stade, le naming de compétition n’est pas en reste en France. Ubereats débourse 15 millions d’euros annuels pour voir son nom associé à la Ligue 1. Le naming de compétition serait moins risqué que le naming de stade car la visibilité du sponsor est plus stable et ne dépend pas nécessairement de la performance d’une équipe. En 2019, Butagaz devient la première marque à sponsoriser une compétition de sport collectif féminin. Sylvie Gallois, directrice marketing et commerciale chez Butagaz livre les motivations d’une telle collaboration pour e-marketing : “Nous avions deux motivations à faire le pari du handball : d’une part, nous souhaitions revenir dans le sponsoring sportif que la marque avait un temps délaissé et d’autre part, nous avions besoin de faire évoluer la marque en la rendant plus moderne et plus attractive afin de rajeunir notre cible”. 

Certaines entreprises se démarquent en apportant une dimension RSE à leur sponsoring. C’est le cas d’Advens for Cybersecurity, partenaire principal du navigateur Thomas Ruyant qui a fait le choix cette année pour le Vendée Globe d’offrir le naming du bateau à l’association Linked Out. En ajoutant le nom Linked Out au voilier, Advens for Cybersecurity offre également la portée médiatique et la visibilité dont l’événement dispose. Le fondateur d’Advens, Alexandre Fayeulle, espère que cette démarche inédite ouvrira la voie à d’autres sponsors. “[…] ce choix s’inscrit complètement dans l’ADN d’Advens et illustre de la meilleure des manières notre vision entrepreneuriale : l’entreprise doit prendre sa part dans la résolution des urgences sociales et environnementales et s’engager pour le bien commun. J’invite d’ailleurs tout particulièrement les entreprises à nous rejoindre pour prendre part à cette course au changement.” 

Voilier "namé" avec Advens et Linked Out
Thomas Ruyant et le voilier Linked Out, naming offert par Advens. Pierre Bouras - TR Racing.

Personal Branding

Si aujourd’hui bon nombre d’athlètes et clubs sportifs sont sponsorisés par des équipementiers dont ils sont devenus l’égérie, certains n’ont pas hésité à exploiter leur propre nom pour devenir une marque à part entière, comme Roger Federer, Tiger Woods ou  Lewis Hamilton. 

Les marques, de nos jours, ne se limitent pas aux entreprises commerciales proposant un produit ou un service à un public de consommateurs. Tout peut devenir une marque, et les sportifs ont bien saisi cet enjeu. Ils sont nombreux à utiliser le personal branding, technique marketing consistant à promouvoir son image et ses compétences afin de devenir soi-même une marque reconnue. Dans ce domaine, le pionnier reste sans aucun doute Michael Jordan avec sa marque Air Jordan et son célèbre Jumpman. Née en 1988 à la suite d’un partenariat avec Nike, la marque de la légende du basket-ball reste encore et toujours parmi les leaders sur le marché du sportswear. Du haut de ses 251 millions d’abonnés, qui en font la personnalité la plus suivie sur Instagram, Cristiano Ronaldo est l’exemple type du personal brander. Le footballeur portugais utilise sa notoriété afin d’effectuer des collaborations avec les plus grandes marques et renforcer son statut d’icône. À l’instar de David Beckham, qui s’est investi dans le monde de la mode en parallèle de sa carrière de footballeur, Cristiano Ronaldo a créé la marque de vêtements pour hommes “CR7”, pour laquelle il est lui-même égérie. Il profite également de la visibilité que lui offrent les réseaux sociaux pour se construire une véritable “image de marque” et soigner sa réputation. Souvent catégorisé comme égocentrique et imbus de lui-même, on le voit régulièrement partager son quotidien sur les réseaux sociaux dans son rôle de père de famille, lui donnant une image sympathique et agréable auprès de ses followers. Il démontre également son implication dans des causes louables, comme par exemple en mars dernier, lorsqu’il a fait un don de 3 unités de soin intensif pour des hôpitaux portugais, pendant la première vague de l’épidémie de Covid 19.

Bien conscientes de l’impact des sportifs sur le grand public, les marques n’hésitent pas à les mettre en scène de manière directe dans leurs spots publicitaires. Les marques vont ainsi exploiter l’image des athlètes dans une démarche de “sponsoring de crédibilité”. Ce dernier est le moyen par lequel un sportif va conférer de la légitimité à un produit. C’est notamment le cas pour les footballeurs et leurs crampons, mais aussi pour les tennismen. Par exemple, le site Tennis-Point (vente d’équipements de tennis) utilise notamment Gaël Monfils et Grigor Dimitrov pour promouvoir une raquette disponible sur leur site.  

Lorsque les clubs deviennent des marques

Dans le milieu sportif, de nombreuses collaborations ont vu le jour ces dernières années permettant de faire grandir les différents acteurs de ce domaine. Les équipes de football notamment, ne sont plus seulement présentes sur un aspect sportif, mais possèdent désormais un impact médiatique et agissent comme de réelles marques. En septembre 2018, un contrat de 3 ans entre Jordan et un célèbre club de football français a été officialisé. L’illustre marque de sportswear et club de football se sont donc réunis autour d’une collaboration qui marquera l’histoire du ballon rond : PSG x Jordan.

Mbappe avec le maillot du PSG
Kylian Mbappe affichant la nouvelle collaboration entre le PSG et Jordan.

Depuis 2011 et le rachat du club parisien par les Qataris, le PSG est entré dans une nouvelle dimension sportive et médiatique. Nasser Al-Khelaifi, président et directeur général du Paris Saint-Germain s’est exprimé sur cette collaboration en expliquant que “l’association de ces deux marques se basait sur des valeurs communes : la performance, l’innovation et le style.” Ce partenariat a aidé le PSG à se hisser à la 7ème place des marques de football à travers le monde avec une valeur marchande estimée à 967 millions d’euros derrière le FC Barcelone ou le Real Madrid. Ce bon classement s’explique aussi grâce à l’achat de stars mondiales comme Neymar ou Kylian Mbappé pour un total de 400 millions d’euros. Ces investissements peuvent sembler considérables, mais sont cependant rentabilisés pour le club parisien notamment par l’évolution de la vente de maillots, des droits télévisés, la vente de places dans le Parc des Princes et du sponsoring. Aujourd’hui, les stars du ballon rond ne se contentent plus seulement d’être populaires grâce à leurs performances sur le terrain, mais aussi en cultivant leur image médiatique. L’achat de joueurs peut donc atteindre des sommes vertigineuses lorsque l’on sait ce qu’ils peuvent rapporter par la suite en termes de performances sportives, mais aussi de retombées médiatiques. 

Ainsi, l’évolution du monde du football a permis à de nombreux clubs de se transformer en véritable marque à part entière. Le leader dans ce domaine reste depuis de nombreuses années le Real Madrid. Malgré des périodes difficiles pour le club, notamment liées à la crise sanitaire, le club madrilène reste encore aujourd’hui l’un des plus riches et populaires. Selon Brand Finance, sa marque est la mieux valorisée du monde avec une valeur marchande estimée à 1,419 milliards d’euros.

Les mondes du sponsoring et du football sont en perpétuelle évolution ce qui pousse les clubs à se réinventer et à innover dans tous les domaines. 

Pour le meilleur et pour le pire : La relation sponsor-sportif

Malgré les contrats juteux et la crédibilité que les athlètes confèrent à leurs sponsors, peut-on tout accepter ?  

Les marques s’associent à des athlètes en fonction de leur pouvoir d’influence et de leur crédibilité. En plus de cela, les marques recherchent des athlètes irréprochables sur et en dehors du terrain, afin de ne pas entacher l’image de la marque. 

Mais quid de l’image de la marque et des valeurs de l’athlète ?  

En décembre 2020, Antoine Griezmann décide de publier sur son compte Instagram sa décision de mettre un terme à son contrat de sponsoring avec la marque chinoise Huawei, qui se retrouve au cœur du scandale du travail forcé de la minorité Ouïghour. Le champion du monde se montre donc engagé et fait prévaloir ses valeurs humanistes. Si ce départ plonge le groupe dans la tourmente, Huawei conserve néanmoins des ambassadeurs tels que Lionel Messi ou James Rodriguez.  

Autre exemple, celui de la sportive Allyson Felix qui avait rompu son contrat avec Nike en 2019 à cause d’une clause contractuelle qui stipulait que les rémunérations des jeunes mères sportives étaient conditionnées à leurs résultats pendant 12 mois après leur accouchement. Cette prise de position avait déclenché un tollé au sein de l’entreprise, qui a changé sa position sur le sujet et a donc supprimé la clause du contrat des athlètes féminines.

De la même manière que le comportement des marques influe sur la réputation des clubs et des sportifs, la réciproque s’avère également vérifiable. En effet, les marques peuvent se réjouir lorsqu’un club ou un sportif se montre de manière positive, notamment pour ses performances en compétition. Dans ce cas de figure, la marque gagne en visibilité médiatique auprès du grand public à travers l’individu ou l’entité qu’elle sponsorise. Cependant, dès lors qu’un sportif renvoie une image négative de par ses actes sur les terrains de sport ou son comportement extrasportif, l’image de la marque se retrouve également écornée. Si Nike, sponsor omniprésent dans le monde du sport, a pour habitude de soutenir ses athlètes face à la tourmente*, la marque à la virgule s’est complètement désolidarisée du cycliste Lance Armstrong en 2012, après les révélations de l’Agence américaine antidopage, attestant qu’il s’était dopé pendant plus de dix ans. À la suite de cette annonce, Nike a ainsi mis fin à son contrat avec le septuple vainqueur du Tour de France déchu. Le communiqué de presse montre une prise de position marquée et désavoue totalement le comportement du cycliste états-unien. « En raison de preuves apparemment rédhibitoires que Lance Armstrong s’est dopé et a trompé Nike depuis plus d’une décennie, c’est avec une grande tristesse que nous avons rompu notre contrat avec lui. Nike condamne l’utilisation de produits illégales destinés à améliorer la performance de n’importe quelle manière qu’elle soit. » 

L’histoire du coureur de 400 mètres sudafricain Oscar Pistorius reflète à quel point l’image d’une marque est associée à celle de l’athlète qu’elle sponsorise. Lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012, Pistorius devient le premier athlète amputé à se qualifier pour cette compétition mythique. Il sera fortement médiatisé durant l’événement et considéré comme un héros national en Afrique du Sud, au plus grand bonheur de son équipementier, Nike, une nouvelle fois. En 2012, le Time magazine l’inclut même dans les 100 personnes les plus influentes au monde dans son célébrissime classement. Néanmoins, le conte de fée vire au cauchemar quand, au soir de la St Valentin 2013, l’athlète assassine sa compagne, le mannequin Reeva Steenkamp. Si Nike n’a cette fois-ci pas tardé à annoncer la fin de sa collaboration avec Pistorius, le mal était déjà fait. En effet, la marque réalisait dans le même temps une campagne de publicité mettant en scène l’athlète sudafricain en y apposant le slogan “I am the bullet in the chamber” (Je suis la balle dans le canon du revolver). Cette phrase aura valu de nombreux détournements et de multiples critiques à Nike, qui s’était lancé là dans une métaphore tendancieuse, sans imaginer qu’elle se révèlerai tristement prémonitoire. 

Affiche de Nike
Affiche réalisée par Nike en 2013.

*Nike avait soutenu le basketteur Kobe Bryant en 2003 quand il était accusé de viol et le golfeur Tiger Woods en 2010 qui avait défrayé la chronique dans une affaire d’infidélité conjugale. 

Jusqu'où ira le sponsoring dans le sport ?

S’il a vu le jour au XIXème siècle, le sponsoring sportif a connu un réel essor au cours de ces vingt dernières années en raison de l’apparition des réseaux sociaux, la médiatisation toujours plus importante des événements sportifs et la recherche de notoriété des annonceurs. Ces derniers sont d’ailleurs prêts à investir des sommes toujours plus considérables pour être associés aux événements, clubs et athlètes de première envergure. Cela nous amène à nous demander si, dans l’ère actuelle du sport-business que nous connaissons, les intérêts financiers des acteurs ne prendraient-ils pas le dessus sur la performance sportive pure ? Et puis, quid du futur du sponsoring sportif ? Si actuellement les effets générés par la crise du Covid-19 ne permettent pas aux sponsors de poursuivre leurs efforts de colonisation de l’espace médiatique sportif, nous pouvons parier sur l’éphémérité de cette situation. D’autant plus que de nouvelles pratiques sportives émergent avec l’avènement du e-sport, discipline qui attire de plus en plus les sponsors du fait de son développement mondial exponentiel. Quels seront donc les prochaines techniques marketing utilisées par les financeurs du sport ? Organiser un match de tennis sur un tapis volant ? Déjà fait. Transformer un stade mythique de football en chambre d’hôte ? Également. Laissons donc aux cerveaux de la communication et du marketing sportif de demain le soin de nous surprendre à nouveau.

Roger Federer et Rafael Nadal disputent une exhibition sur un tapis volant à Doha
Roger Federer et Rafael Nadal disputent une exhibition sur un tapis volant à Doha.

Article rédigé par Lucas Gala, Nicolas Thomé, Léa Guillevic, Maëlle Fredon et Valentine Corbel.

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