Qu’est-ce que le streaming et quels services ces plateformes offrent-elles ?
Aujourd’hui, les plateformes de streaming se multiplient et font la part belle à l’industrie musicale notamment. Spotify, Deezer, Apple Music, Amazon Music… Nombreuses sont les entreprises à se lancer dans l’aventure du streaming musical. Pour les auditeurs, cela signifie une palette plus large d’offres et un choix somme toute plus difficile. Quels services sont proposés ? Qui a le catalogue le plus intéressant ? Qui a le prix le plus avantageux ? Finalement, les plateformes se suivent et se ressemblent. Les services sont toujours plus portés sur la satisfaction client et la fidélisation de celui-ci : nouveautés en permanence, playlists personnalisées, qualité du son, modification des paramètres d’écoute (+/- de basse…), ajout de bruits de fond, music session, période d’essai et on en passe. Avec toujours en ligne de mire un objectif marketing bien précis, ces outils de streaming musical sont devenus incontournables pour les consommateurs et férus de musique.
Quelles sont les stratégies marketing que ces plateformes ont mises au point pour être au plus proche du consommateur, et quelles sont les limites de celles-ci ?
Le tournant digital de l’industrie de la musique
L’industrie de la musique a profondément évolué depuis 2000, naviguant entre crise majeure et renouveau providentiel. Comme beaucoup d’autres industries à cette époque, un acteur a joué un rôle majeur dans sa situation économique fluctuante : Internet.
Auparavant florissante, l’industrie musicale a connu une première décennie noire dans les années 2000, la faute à un piratage massif lors de l’avènement du numérique. Le marché mondial va beaucoup en souffrir, comme en témoignent des chiffres alarmants : on va ainsi passer d’un chiffre d’affaires de 23.9 milliards de dollars en 2001, à 16 milliards en 2009. La France n’a pas échappé à ce séisme : de 1.1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2000, le chiffre tombe à 554 millions en 2010. Le marché peine à garder la tête hors de l’eau, essayant tant bien que mal de survivre à ce raz-de-marée numérique, jusqu’en 2010 et sa renaissance au cours de la deuxième décennie, lorsque l’industrie musicale décide de se réapproprier son utilisation digitale. Ses sauveurs ? Les plateformes de streaming musical et leur popularisation, véritable poule aux œufs d’or que va exploiter le marché jusqu’à en faire son principal outil et la source de ses revenus.
C’est ainsi que l’industrie connaît un bouleversement historique en 2015, lorsque le chiffre d’affaires mondial de la consommation numérique dépasse celui de la consommation physique. Cette bascule arrivera quelques années plus tard dans l’Hexagone, en 2018 exactement, selon Newstank et le SNEP.
Le support digital est désormais le moteur de l’industrie musicale, et ne cesse de croître encore, laissant finalement peu de place au support physique. En 2020, le marché mondial de la musique enregistrée connaît une croissance de 7.4 % avec un chiffre d’affaires qui s’élève à 21.6 milliards de dollars, grâce principalement au streaming qui représente 62.1 % des revenus de l’industrie. Avec un chiffre d’affaires de 13.4 milliards de dollars, soit une hausse de 19.9 % par rapport à 2019, le secteur ne semble pas s’essouffler, et est même plébiscité par le grand public au regard de l’augmentation des achats d’abonnement payants (18.5 %). Bien évidemment, l’industrie musicale ne peut que se réjouir de cette hausse des revenus et de la représentation du numérique, d’autant plus que celle-ci compense largement la baisse de consommation de support physique (4.7 %).
Alors comment expliquer cette baisse qui ne fait que s’éterniser depuis plusieurs années ? La principale cause va être l’impact des musiques dites “urbaines”, à savoir l’électro ou le rap, dans l’économie. Celles-ci connaissent un développement viral via l’outil numérique, ce qui entraîne une forte hausse de la consommation sur les plateformes de streaming. Comme le souligne Quentin Gauvin du label Believe France : « c’est le volume du bassin d’audience sur les plateformes de streaming qui conditionne les investissements des distributeurs et gros labels ». A l’inverse, les musiques de niche (rock indépendant, métal, jazz, musiques du monde, reggae) ne font pas l’objet d’une promotion particulière sur ces plateformes, et le public n’a pas encore totalement franchi le cap de l’écoute en digital. La répartition numérique et physique diffère donc selon les styles musicaux, mais les tendances musicales actuelles étant bien ancrées dans le streaming, celles-ci permettent le développement croissant du numérique. Dans une moindre mesure, la diminution de la surface consacrée aux rayons disques dans les grandes enseignes explique également la baisse de la proportion des supports physiques dans les revenus de l’industrie musicale.
Un pays résiste pourtant encore et toujours à l’envahisseur numérique, puisqu’en France, les formats physiques semblent faire de la résistance. Si aux Etats-Unis le streaming représente 83 % des revenus du secteur, et seulement 9 % pour les CD et disques, le chiffre du streaming en France n’atteint que 60 %. La proportion des ventes de CD et vinyles représente donc plus du quart (28 %) du chiffre d’affaires de l’industrie musicale française. Plusieurs raisons peuvent expliquer une telle différence avec nos voisins d’Outre-Atlantique. La première est celle de la présence encore importante de plus de 4 000 points de vente dans le pays, le tout formant un réseau de distribution particulièrement solide et diversifié. Le CD reste ainsi la seconde source de revenus du marché de la musique enregistrée. La deuxième raison est celle de la nouvelle tendance, qui est désormais au rétro, avec la hausse des ventes du vinyle depuis plusieurs années. En 2020, 4.5 millions de vinyles ont été vendus en France, soit une augmentation de 10 % sur un an, symbole fort d’un amour des Français pour le support physique qui n’a toujours pas dit son dernier mot. Il n’est d’ailleurs pas près de disparaître, puisque 40 % du chiffre d’affaires des vinyles est généré par les moins de 35 ans.
L’avenir est donc bien au numérique, avec des nouveaux enjeux pour tous les acteurs de l’industrie musicale, mais le format physique n’est pas mort. Le marché est en constante transformation, et il ne fait aucun doute que même si le numérique est désormais la source majoritaire de revenus, la musique continuera d’évoluer à travers tous ses différents supports.
Les plateformes et leurs stratégies marketing toujours plus définies
Mais le streaming aussi ne cesse d’évoluer et d’élaborer de nouvelles stratégies marketing afin d’attirer toujours autant de public. Spotify, Deezer, Apple Music, Youtube, Amazon Music ou encore SoundCloud, ces plateformes de streaming musical connaissent toutes un réel succès, chacune avec une stratégie bien définie pour convaincre de potentiels utilisateurs ou même séduire les auditeurs de leurs concurrents. En effet, avec cette hausse du streaming musical, la concurrence est rude et beaucoup se ressemblent tant dans leurs offres que dans leurs prix. L’enjeu de se démarquer est inévitable, elles doivent alors proposer une offre toujours plus grande, plus intéressante et plus proche de l’auditeur.
Certes, la majorité propose des abonnements payants avec des offres variées, par exemple pour les étudiants ou les familles allant ainsi de 4.99 € à 14.99 € par mois. Ces abonnements payants permettent à l’auditeur d’accéder à de nombreuses fonctionnalités telles que l’écoute sans interruption, en illimité et hors connexion. Mais également d’avoir une qualité audio supérieure, proposée notamment par Apple Music avec la technologie Dolby Atmos et son mode Audio spatial (son panoramique qui suit les mouvements de l’auditeur) ainsi que le catalogue des musiques au format Lossless (qualité de son intacte et de haute résolution). Spotify et Deezer proposent également une période d’essai gratuite de plusieurs mois avant de passer à la version premium. Ainsi, les plus réticents peuvent finalement se laisser amadouer et prendre l’abonnement payant. Et pas d’inquiétude, les plateformes n’hésiteront pas à vous relancer par mail si votre abonnement expire.
Ces plateformes restent tout de même disponibles en version gratuite tout comme Youtube Music. Cependant, les fonctionnalités restent limitées et les musiques seront interrompues par des publicités, qui d’ailleurs varient et s’adaptent en fonction de l’heure de la journée sur la plateforme suédoise – Spotify. Soundcloud, en revanche, mise sur l’abonnement gratuit sans publicité, mais le catalogue reste limité. Celle-ci est plutôt côtoyée par les jeunes artistes, qui leur permet de partager leurs créations gratuitement (il existe tout de même une version pro payante). Les auditeurs peuvent également échanger directement et ajouter un commentaire à un moment précis de la musique, une approche finalement sympathique pour échanger entre auditeurs et artistes.
Avec l’évolution du digital, les utilisateurs peuvent ainsi écouter leurs sons préférés sur différents supports d’écoute comme la télévision, le casque ou encore l’enceinte connectée, à la maison, dans la rue ou dans la voiture, et ce, partout dans le monde. Ceci est donc plus accessible que les supports physiques tels que les CD ou vinyles, malgré la hausse d’achat de ce dernier.
Pour toujours agrandir leur offre, les plateformes mettent aussi à disposition des radios et podcasts de différentes langues. L’utilisateur retrouve un large choix d’écoute sur une seule et même application. Et celles-ci cherchent à rendre les sessions d’écoute toujours plus personnalisées. Par exemple : Spotify, leader mondial sur le marché du streaming musical, possède une offre très variée spécialement pour l’auditeur avec une playlist de ses sons préférés du moment, une daily mix pour son quotidien, une playlist pour découvrir des musiques basées sur son historique ou encore d’autres suggestions en fonction des genres musicaux écoutés auparavant. Tout comme ses concurrents, Spotify permet aussi aux utilisateurs de créer des playlists collaboratives ou bien même de laisser la plateforme créer une playlist avec la personne de votre choix et vos sons les plus écoutés. Une raison de plus de rester sur une plateforme pour partager ses musiques et élargir sa culture musicale.
En supplément, certaines plateformes ont ajouté une fonctionnalité mettant en avant l’histoire de la musique ou de l’artiste et les paroles de la musique écoutée. Ainsi, l’utilisateur peut suivre ce qu’il écoute et livrer son meilleur karaoké.
D’ailleurs, comment parler la vignette verte suédoise sans mentionner sa rétrospective tant attendue à chaque fin d’année depuis 2016. Le célèbre Spotify Wrapped est devenu très vite populaire chez ses abonnés, une vraie stratégie pour rendre nos écoutes encore plus personnelles et fidéliser les utilisateurs qui attendent ce moment pour découvrir quelles sont les musiques ou les artistes qu’ils ont le plus écouté tout au long de l’année. En prime, ils peuvent partager le résultat sur leur story Instagram (ou sur les autres réseaux) ou tout simplement l’envoyer à leurs amis afin de voir qui a battu le record de minutes d’écoute. Une promotion digitale gratuite pour la plateforme et une manière de gagner en interaction avec les consommateurs.
En plus d’une segmentation toujours plus précise avec les données que nous laissons, ces plateformes jouent beaucoup avec leur communication par le biais de différents partenariats. Nous pouvons notamment citer Deezer qui, avec les opérateurs téléphoniques Orange et SFR, propose un abonnement à l’application compris dans le prix de l’abonnement téléphonique.
D’autres collaborations avec des marques ou des artistes ont vu le jour : Spotify et la plateforme de streaming vidéo Netflix ont créé “Netflix Hub”, où les utilisateurs peuvent retrouver toutes les bandes sons de films et séries ainsi que des podcasts exclusifs. Ou encore une immersion dans l’univers du nouvel album “Happier Than Ever” de Billie Eilish avec différents modes d’écoute pour découvrir son album.
Deezer se penche quant à lui sur les événements extérieurs et la stratégie du QR code : pour la sortie de l’album “JVLIVS II” du rappeur SCH, avaient été déposés des conteneurs identiques à ceux présents sur sa couverture d’album avec un QR code pour une expérience innovante et interactive.
En 2018, Apple présentait en vidéo 3 villes de France avec les voix d’artistes : Lomepal pour Paris, Chilla pour Lyon et Reef pour Marseille. L’entreprise faisait ainsi la promotion de son Iphone X tout en donnant de la visibilité à sa plateforme Apple Music, un combo gagnant !
(Publicté Apple pour l’Iphone X avec Lomepal)
Encore un autre élément pour faciliter l’écoute des auditeurs : la collaboration entre Shazam et certaines de ses applications. Une fois que la musique a été détectée par Shazam, celle-ci peut être ajoutée dans votre liste de favoris sur Apple Music ou se retrouver directement dans votre playlist Spotify.
Et pour finir sur le côté design de leur communication, les plateformes créent une identité unique pour chaque playlist, chaque style et humeur. L’esthétique reste un élément important pour ces applications, les couleurs et le graphisme des visuels pouvant influencer l’utilisateur. Y compris via de l’animation avec des GIFS pour dynamiser votre écoute.
La crise sanitaire a-t-elle poussé la consommation de streaming digital ?
Depuis quelques années, la consommation de streaming musical est supérieure à celle de la musique physique (CD, vinyle). Toutefois, la crise sanitaire a eu un impact conséquent sur la consommation, et en particulier sur la consommation de streaming musical.
Les magasins étant fermés, la consommation de disques physiques a largement diminué. En parallèle, les écoutes en streaming ont explosé et de grands groupes tels que Sony ont investi dans ces plateformes.
La pandémie a été une opportunité en termes d’innovations. Certaines entreprises ont profité de ces plateformes pour créer un lien avec le consommateur. On peut penser notamment à Panzani qui a créé des playlists correspondant au temps de cuisson des pâtes. D’autres entreprises ont créé des playlists ou encore des podcasts pour intéresser le client. La crise a empêché un certain nombre d’événements comme les festivals. Pour pallier ce problème, Tomorrowland, un festival à la renommée internationale et se déroulant chaque année dans un pays différent, a opté pour le digital. En effet, les festivals de 2020 et 2021 se sont déroulés entièrement en ligne en live stream.
La crise de la Covid a permis à de nombreux artistes de se faire connaître, de créer un lien avec le public. Malgré l’absence de concerts, certains artistes ont également décidé de faire des shows en direct via Facebook, Instagram, Twitch ou encore TikTok. C’est une manière d’effacer progressivement la frontière entre l’artiste et le public. On remarque donc que le secteur de la musique demande de plus en plus d’innovation et d’investissement pour créer de nouvelles expériences.
Des limites à prendre en compte
Ces plateformes connaissent toutefois des limites, et malgré une stratégie marketing et de communication bien huilée, il existe des freins à leur développement.
L’avenir de ces plateformes est l’intelligence artificielle (IA). De nombreux géants de la musique investissent dans les IA afin de collecter des données, créer des algorithmes pour booster l’écoute de certains artistes.
- Le streaming a une diversité limitée.
1% des titres font 92% des streams.
On comprend ces chiffres par le fait que seules les musiques récentes et faisant partie de courants musicaux précis (musique urbaine mainstream et rap), sont écoutées sur ces plateformes. Le problème ne vient cependant pas de l’offre, mais de la demande. Il y a 70 millions de titres sur Spotify ou Deezer, 40.000 sont ajoutés chaque jour, nous n’en écoutons cependant qu’une infime partie. - La qualité du son peut être une limite.
On ne reproduira jamais la qualité sonore d’un son enregistré en studio, avec un fichier qui doit être compressé pour être mis en ligne. De plus, il suffit d’avoir un smartphone mal adapté, pas assez récent ou une connexion non fibrée pour avoir un son d’une qualité médiocre. - La majorité des abonnements sont payés par des opérateurs.
Orange a acheté 800.000 accès à Deezer à offrir à ses abonnés. En 2015 le contrat a pris fin et c’est donc 800.000 abonnés qui ont quitté la plateforme. - Le streaming ne paye pas.
Pour chaque abonnement, un artiste va toucher environ 40 centimes. Une somme considérée comme dérisoire par beaucoup et qui ne permet pas de revenus convenables par la suite. Ce qui a eu comme conséquence en 2014, le retrait des chansons de Taylor Swift de la plateforme Spotify.
Sources
Streaming musical : plus qu’une mode, un phénomène de société | |
Comment adopter une réelle stratégie digitale face au streaming ? | |
Stratégie marketing de Spotify | https://www.marketing-etudiant.fr/cours/s/strategie-marketing-de-spotify.php |
Deezer: quelle stratégie social media pour le géant du streaming? | |
Qu’est-ce que le nouveau service de streaming musical de YouTube? | https://justaskthales.com/fr/quest-ce-que-le-nouveau-service-de-streaming-musical-de-youtube/ |
Comment l’industrie de la musique s’est adaptée au numérique ? | |
Quel avenir pour le Music Business ? | https://jai-un-pote-dans-la.com/quel-avenir-pour-music-business-icart/ |
LA MUSIQUE ENREGISTRÉE À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE | https://lepole.asso.fr/article/2066/la-musique-enregistree-a-lere-du-numerique |
Streaming Musical, Quelle stratégie adopter pour fidéliser le consommateur ? | |
DEEZER, SPOTIFY, QOBUZ… LE NOUVEAU RYTHME DES PLATEFORMES | |
La data dans l’industrie musicale | https://www.1min30.com/brand-marketing/data-musique-spotify-26956 |
Controverse.“Spotify Wrapped” : faut-il partager sa rétrospective musicale ? | |
La blockchain s’empare du streaming musical
| https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/La-blockchain-s-empare-du-streaming-musical–37158744/ |
Article rédigé par Etienne Boulay, Emma Barat, Lucile Bau et Guillaume Fallet.