La représentation des femmes dans la publicité, une question vieille comme… la publicité. Une question qui fait débat dans la sphère publique comme dans la sphère privée, avec d’un côté ceux qui s’en alarment et de l’autre ceux qui ne semblent pas voir où est le mal. Il en va de même pour les marques : là où certaines ont surfé sur la résurgence du féminisme et son influence grandissante dans la pop culture en misant sur des campagnes basées sur le women empowerment (Monki, Dove, Always et tant d’autres), d’autres ont choisi de perdurer dans la voie du sexisme, fermant les yeux sur la révolution en marche.
Prise de conscience
Révolution, car les citoyens sont de plus en plus nombreux à dénoncer les campagnes qu’ils jugent inappropriées, notamment via les réseaux sociaux. La prise de conscience est réelle et gare à l’annonceur qui dépassera les bornes. Yves Saint Laurent a fait les frais de cette nouvelle donne en mars 2017 avec sa campagne d’affichage parisienne dont les visuels jugés dégradants ont finalement été retirés sur ordre de l’ARPP. Mais au-delà des images sans équivoque de femmes représentées comme des objets sexuels (très présentes dans l’univers du luxe qui s’évertue à exploiter nos fantasmes), la révolution voudrait s’attaquer aux stéréotypes de genre véhiculés plus subtilement par la publicité et par les médias en général.
Un combat difficile et un sujet complexe dont s’emparent de plus en plus manifestement les autorités. Le 26 mars 2017, peu après le scandale des affiches Yves Saint Laurent, le Conseil de Paris a indiqué que le nouveau contrat signé avec le concessionnaire de mobilier urbain publicitaire JCDecaux prévoyait que ce dernier « s’engage à s’assurer qu’aucune publicité à caractère sexiste ou discriminatoire ne puisse être diffusée sur le réseau municipal d’affichage ».
Le 27 janvier 2017, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel s’est vu confié une nouvelle mission par le législateur : veiller « à l’image des femmes qui apparaissent dans les émissions publicitaires ». Une étude qui devra servir de point de départ a alors été menée par le CSA. Les résultats rendus publiques le 31 octobre montrent l’ampleur du travail à accomplir : l’étude constate une « répartition stéréotypée des catégories de produits (des hommes pour parler d’automobile et des femmes pour l’entretien du corps) ». Plus curieusement, l’étude révèle que les représentations observées ne sont pas conformes avec les pratiques sociales actuelles.
Une autre décision prise par le gouvernement français semble témoigner de la volonté d’agir de l’Etat : le décret publié le 4 mai 2017 selon lequel la mention « photographie retouchée » doit apparaître sur tous les clichés à usage commercial représentant des mannequins dont l’apparence corporelle a été « modifiée par un logiciel de traitement d’image, pour affiner ou épaissir leur silhouette ». Le ministère de la santé explique que « l’exposition des jeunes à des images normatives et non réalistes du corps entraîne un sentiment d’autodépréciation et une mauvaise estime de soi pouvant avoir un impact sur les comportements de santé ».
Une révolution mondiale ?
Les appels au changement ont visiblement été entendus, et pas seulement en France. Les initiatives de régulation des autorités se multiplient dans le monde entier. En 2015, le maire de Londres, Sadiq Khan, avait réagi face au tollé provoqué par la publicité de Protein World affichée dans le métro londonien. L’année suivante, conformément à ses promesses de campagne, il bannit du réseau de transports en commun de la ville les publicités comportant des représentations irréalistes du corps des femmes ou exerçant une pression en matière d’image corporelle. En bref, il s’attaque au body shaming.
En juillet 2017, toujours au Royaume-Uni, l’Advertising Standards Authority (ASA) a annoncé le renforcement des régulations pour lutter contre les publicités encourageant les stéréotypes de genre et/ou représentant la femme en tant qu’objet sexuel. Une décision basée sur un rapport d’étude intitulé « Depictions, Perceptions and Harm » (représentations, perceptions et préjudice). Dans ce rapport, l’ASA s’interrogeait sur l’efficacité des régulations existantes et sur la nocivité des stéréotypes de genre dans la publicité. Il en est notamment ressorti que de tels stéréotypes pouvaient « réduire les choix, aspirations et opportunités » des audiences et particulièrement des enfants et adolescents.
Il semblerait alors que l’enjeu de santé publique que représente la pression exercée par la publicité sur les femmes ait été reconnue. Arrivons-nous à un tournant en matière de représentation des femmes dans la publicité ? Quoiqu’il en soit, le climat social actuel laisse penser que les marques ont tout intérêt à suivre le mouvement et à adapter leur communication, sous peine de s’attirer les foudres des autorités en plus de celles des consommateurs.
Auteur : Marylou Boissely