Le défi du Dry January, apparu en Angleterre en 2013, consiste à ne pas boire d’alcool pendant tout le mois de janvier. Ce concept s’est répandu dans d’autres pays pour partager des objectifs communs : prendre conscience de sa consommation d’alcool et améliorer son hygiène de vie. Mais les jeunes français·es, âgé·es de 18 à 26 ans, s’essaient-ils au Dry January ?
L’évolution des habitudes
La consommation d’alcool évolue avec l’âge. En effet, aujourd’hui 61 % des adultes déclarent ne pas consommer d’alcool chaque semaine, contre 37 % en 2000, d’après Santé Publique France. Cette réduction de la consommation touche aussi les jeunes : 20 % des 17 ans n’ont jamais bu d’alcool, et la proportion de jeunes ayant consommé de l’alcool dans le mois est passée de 80 % en 2000 à 58 % en 2022, selon l’enquête ESCPAD de 2022.
Plusieurs raisons expliquent cette baisse de consommation :
- Le prix
Les taxes sur les boissons alcoolisées ont augmenté de 1,6 % entre 2022 et 2023, contribuant à une augmentation générale des prix. Combiné avec l’inflation qui a impacté le pouvoir d’achat des ménages, cela a entraîné une réduction des dépenses en boissons alcoolisées de 4.9% en 2023.
- L’âge
Les personnes consommant de l’alcool quotidiennement sont, en moyenne, âgé·es de plus 60 ans. En effet, les pourcentages significatifs se trouvent dans les régions aux tranches d’âges les plus élevées, comme l’Occitanie, héritant d’une culture où la consommation d’alcool était la norme. Cependant, cette habitude a évolué et semble être moins ordinaire, en particulier parmi les jeunes générations d’aujourd’hui.
- Différence de consommation selon les régions
Dans les zones viticoles comme l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine, l’attachement culturel et traditionnel à la boisson influence les pratiques locales, entraînant une consommation plus élevée.
- Les catégories socioprofessionnelles
Les individus ayant un niveau d’éducation plus élevé et des revenus plus importants sont moins susceptibles de consommer de l’alcool quotidiennement. Généralement mieux informé·e·s sur les risques, ils.elles accordent plus d’importance à un mode de vie sain.
Évolution des fréquences de consommation d'alcool chez les Français 1992-2021
L’API, ou Alcoolisation Ponctuelle Importante, désigne le fait de consommer une grande quantité d’alcool en une seule occasion. C’est ce qu’on appelle plus communément un “binge drinking” en anglais.
Les jeunes face au Dry January
En l’absence de données accessibles, nous avons décidé de réaliser une étude non-représentative sur 18 personnes âgées entre 19 et 27 ans, menée en 2024. Cette analyse s’est concentrée sur des questions comme :
- Quelle est votre principale raison de ne pas consommer d’alcool ? OU inversement, pourquoi consommez-vous ?
- Rencontrez vous des obstacles à votre abstinence ? (pression sociale, prix,…)
- Que pensez-vous du concept du Dry January (le mois sans alcool) ?
De nombreux candidats interrogés affirment boire peu, voire pas du tout. Il y a différentes raisons à cela : la santé, la conduite, la religion, la culture, les envies, etc. Tandis que d’autres, partagent le fait qu’ils consomment des boissons alcoolisées pour des raisons sociales (intégration, amusement, se sentir plus à l’aise lors d’événements conviviaux).
Grâce à cette enquête, nous remarquons un point majeur : l’alcool est un facteur important dans l’intégration sociale.
Certain.e.s continuent à percevoir cette consommation comme une “norme”. Nous remarquons, malgré la baisse de consommation, que prendre un verre au bar est normal, c’est “la base”. Cette habitude s’explique par notre culture française.
Ce qui entraîne, pour les personnes qui ne boivent pas d’alcool, une pression sociale.
“Quand on ne boit pas, on nous demande toujours de nous justifier. Il y a un vrai décalage qui s’installe au cours de la soirée car tout le monde boit sauf moi. […] Donc c’est toujours un inconfort et souvent un stress d’aller à un événement avec de l’alcool à cause de ça.”
Donc des personnes ne se rendent pas à certains événements pour éviter ce genre de situation, un isolement social se crée. Ainsi, ceux·celles qui souhaitent réussir leur Dry January se retrouvent contraint·e·s d’annuler leurs sorties, leurs rassemblements entre ami·e·s. Cela peut se révéler être un frein pour la plupart des participants, d’autant plus que le concept prend place au début de l’année, une période déjà marquée par des défis.
Paradoxalement, une tendance émerge chez les jeunes : le binge drinking. La consommation d’alcool devient plus ponctuelle, avec des quantités plus importantes pour obtenir des sensations rapidement. Ce comportement reflète une adaptation des pratiques sociales face à des attentes culturelles et un besoin d’appartenance.
Le développement du sans alcool
Pour pallier cela, plusieurs alternatives sont apparues.
- Les boissons sans alcool
Les mocktails sont de plus en plus tendance dans les bars : à base de fruits frais, en sirop, en jus, pétillants ou non, avec épices ou plantes, ils font preuve de créativité. De plus, plusieurs marques élargissent leurs gammes pour atteindre la cible non-consommatrice d’alcool. On peut citer les bières et vins sans alcool, comme Heineken 0.0.
Ces produits reprennent les saveurs des boissons alcoolisées, tout en évitant leurs effets négatifs sur la santé.
L’eau, l’eau gazeuse, les jus, les sodas rentrent bien évidemment dans les choix possibles.
- Les bars sans alcool
Parfois appelés “sober bar”, les bars sans alcool, comme Le Paon qui boit à Paris, offrent un cadre convivial pour savourer des boissons non alcoolisées, sans pression ni jugement.
- Les événements sans alcool
Par ailleurs, des bars et des événements sans alcool émergent de plus en plus. Ces lieux accueillent une clientèle variée, allant des personnes cherchant à limiter leur consommation, à d’autres qui préfèrent rester lucides dans des moments sociaux.
Ces initiatives favorisent un environnement inclusif et encouragent des interactions sociales sans pression liée à la consommation d’alcool. Cela donne aussi plus de possibilités à ceux qui veulent s’amuser ou se détendre autrement.
En conclusion
Le Dry January illustre une évolution des mentalités autour de la consommation d’alcool. Ce défi a permis de sensibiliser davantage sur les impacts de l’alcool, et sur sa propre consommation. Cependant, la consommation de la boisson alcoolisée, notamment chez les jeunes, reste présente non pas au quotidien mais sous forme de binge-drinking.
Bien que des défis tels que la pression sociale ou l’isolement puissent freiner certain·e·s participant·e·s au Dry January, des alternatives comme les boissons, les bars et les événements sans alcool, ouvrent de nouvelles perspectives. Ces initiatives montrent qu’il est possible de vivre des moments conviviaux sans inclure d’alcool.
Ainsi, le Dry January ne se limite pas à une pause temporaire, mais contribue à transformer les normes sociales et à proposer des modes de vie plus équilibrés et diversifiés, ce qui permet de respecter les choix de chacun·e.
Et si vous, vous repensiez votre propre relation à l’alcool ?
Maxime BAILLET et Maëlle GUIEN