“Sommes-nous humains ?” (Dirtybiology, Léo Grasset)
“Pourquoi internet est le royaume des chats ?” (Epenser, Bruce Benamran)
“Être sale, c’est bon pour la santé ?” (Dans ton corps, Julien Ménielle)
“D’où viennent les bulles de champagne ?” (Sciences étonnantes, David Louapre)
Tant de questions que nous nous posons -presque- tous et auxquelles des vidéastes répondent. La vulgarisation scientifique sur Youtube n’est plus une tendance mais bien un phénomène installé sur la plateforme de partage de vidéos. Les thèmes vont des mathématiques à la philosophie, en passant par l’astrophysique. Cette vulgarisation des sciences permet de suivre la tendance d’hyperspécialisation de la société, en brisant la barrière que peut représenter un langage technique.
En novembre dernier, DrNozman, qui tient une chaîne entre théories scientifiques et expériences, est le premier youtuber français de vulgarisation à passer le cap du million d’abonnés. La science est donc encore loin de la popularité des tutos de maquillage ou des podcasts humoristiques sur la plateforme, mais l’intérêt du grand public pour le domaine ne cesse de grandir. Ce qui fait le succès de ces vidéos ? Leur présentations simple, courte et ludique de sujets complexes. Après tout, “le secret d’ennuyer est celui de tout dire” (Voltaire). Elles créent des liens avec la pop culture et sont réalisées par des amateurs qui en font leur loisir : cela apporte de l’authenticité et une certaine sympathie envers le vidéaste.
Alors que le mouvement des vulgarisateurs sur YouTube a débuté vers 2013, les organismes scientifiques commencent tout juste à en comprendre l’intérêt. Ces influenceurs ( cf. article D’influenceur à prescripteur ) ont un vrai potentiel à exploiter pour toucher un public précis, qui partage une passion ou est particulièrement curieux. Ainsi, plusieurs vidéastes ont déjà été invités par des organismes à communiquer leurs actions. Cela leur permet de rajeunir leur image auprès d’un public qui ne dépasse souvent pas la trentaine et qui est difficile à capter à travers les médias traditionnels. La chaîne américaine Veritasium a par exemple tourné une vidéo de présentation pour le Svalbard Seed Vault, un projet visant à préserver des millions de graines afin de pouvoir reconstruire notre écosystème en cas de catastrophe. Sa vidéo a fait près de 1,6 millions de vue, une visibilité importante pour un faible inve.
Du côté français, Patrick Baud, de la chaîne Axolot qu’il qualifie d’une mosaïque de “curiosités, merveilles, histoires étranges, sources d’étonnement”, a partagé sa visite du Centre Européen des Astronautes à Cologne aux côtés de Julien Josselin, humoriste et comédien. Avec plus de 248 000 vues, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a pu mettre en valeur ses activités en utilisant elle aussi un ton ludique. Les deux vidéastes étaient invités à tester plusieurs appareils d’entraînement des astronautes : chaise rotative, tapis roulant vertical ou encore simulation d’une mission en apesanteur.
Certains employés de l’ESA interviennent également lors de la vidéo. Le premier, Jules Grandsire est chargé de communication et guidera les deux vidéastes tout au long du tournage. L’intention de l’agence est donc bien visible mais cela ne nuit pas à pas la sympathie manifeste envers cette vidéo, si l’on en croit les commentaires. Cette action de communication rebondissait également sur une actualité : le départ de Thomas Pesquet pour la station spatiale internationale le 17 novembre.
Le bénéfice pour l’image de l’Agence Spatiale Européenne est immense. D’une part, elle bénéficie d’une visibilité auprès d’un public intéressé par les sciences et déjà constitué par un vidéaste. D’autre part, il lui est possible de changer de ton de communication à travers une mise en scène de la découverte du centre et l’utilisation de l’humour, puisque le contenu n’est pas diffusé sur les sites officiels de l’agence. Comme dit précédemment, de telles vidéos sont bien reçues puisqu’elles suivent la ligne éditoriale de la chaîne sur Youtube et la sponsorisation du contenu apparaît clairement. Il n’en est pas toujours de même lorsque certaines marques cherchent à promouvoir leurs activités sans prendre en compte le travail du youtuber.
Les vidéos de vulgarisation n’intéressent pas seulement les organismes scientifiques : les entreprises communiquent également via ces dernières. Certaines choisissent des chaînes qui correspondent à l’image de leurs produits ; par exemple, le film Seul Sur Mars a bénéficié d’une vidéo sur la chaîne Epenser de Bruce Benamran, traitant en partie d’astrophysique.
D’autres au contraire demandent un placement de produit parfois à l’encontre totale de la chaîne. C’est alors au youtuber de choisir en fonction de sa propre morale s’il utilisera son influence sur ses spectateurs pour un placement de produit. Le dilemme est grand pour un vidéaste de la plateforme : Youtube étant gratuit, les vidéastes ne sont rémunérés qu’à travers les publicités entourant et au sein même des vidéos.
Quelques uns refusent un tel financement, comme la chaîne Horizon Gull traitant des structures sociales, parce que cela va à l’encontre de leurs valeurs ; toutefois, certains vidéastes ont besoin de financements importants pour mener leurs projets à bien.
Même si certains ont décidé de refuser un tel financement parce qu’il va à l’encontre de leurs valeurs, comme la chaîne Horizon Gull qui traite des structures sociales et de leur impact, certains vidéastes ont besoin de financements importants pour mener leurs projets à bien. Cela a entraîné de nombreux débats sur la plateforme à la fois dans les commentaires et dans les vidéos. Le tabou autour du salaire des youtubers est bien là : une rémunération qui selon certains n’est pas méritée, à la fois parce qu’être vidéaste n’est pas encore considéré comme un “vrai métier” mais aussi parce que cet argent vient de publicités plus ou moins cachées. Youtube a désormais réagi et signale les vidéos sponsorisées, mais la polémique continue, bien qu’elle soit actuellement amoindrie par le débat autour du nouvel algorithme permettant de mettre certaines vidéos en valeur.
Désormais plus que du partage de contenu audiovisuel entre des vidéastes et leurs abonnés, Youtube a pleinement intégré le système de financement par du sponsoring ou du placement de produits. En 2016, c’était déjà monnaie courante pour les youtubers beauté, gaming ou d’humour, mais cela a désormais atteint la vulgarisation scientifique. Pour beaucoup, c’est le “prix à payer” ; pour les organismes, c’est une véritable opportunité si elle est bien exploitée.
*ROI : Retour sur investissement (return on investment) : C’est un indicateur de rentabilité qui fait le ratio entre l’argent investi et l’argent gagné par une action.
Rédaction : Mylène Rolland, mise en page : Joana Neves
Source image : http://sciencedecomptoir.cafe-sciences.org
Source vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=lNJfRjxYwrc