Selon les mots de son créateur, “le MASCI est une grande famille”. Alors soit, comme pourrait le faire tonton Michel au repas de Noël sur les commentaires accompagnant le service de la dinde, rebondissons !
La semaine dernière Magali, valeureuse rédactrice du Curious Lab, nous plantait devant les yeux tout l’opportunisme des marques vis-à vis de la fin du monde et qualifiait même la petite sauterie mexicaine du 21/12/12 « d’eldorado marketing ». Et dès les premières lignes, bim ! Nos dents s’encastrent violemment dans les mots de Fabien Saillant, Directeur Marketing d’Universal. A propos du lancement de la « Chaîne de la fin du monde » (by SyFy ) ce dernier déclare aussi fier qu’une marmotte cornue : « Cette chaîne [la chaîne TV de la fin du monde] n’aurait aucun sens si on y croyait! ». Et il a terriblement raison le bougre ! Par-delà la promotion décalée d’une chaîne aussi éphémère que les «papillons» de Cindy Sanders, Monsieur Saillant souligne quelque chose d’essentiel : dans cette fièvre prophétique, tout n’est qu’ironie !
Mis à part quelques rigolos trainant leurs 400 pas en toge dans les rues de Bugarach (mais si enfin, ce village de l’Aude dans lequel la fin du monde n’aura pas lieu), personne ne croit évidemment au pipeau précolombien. Un simple survol de la fiche Wikipédia de l’évènement suffit à convaincre le plus sceptique des illuminatis. “C’est pour de rire” nous dit Axe, “Roh, allez, c’est funky-groovy-top-décalé” s’écrient les créatifs moustachus qui bûchent pour Tipp-Ex. Et voilà maintenant que le Directeur Mercatique d’Universal s’y met. En bref, le sérieux est relégué au placard. D’ailleurs, que ceux qui n’ont pas compris la galéjade quittent la salle sans plus attendre. Au diable la monotonie crasse de la normalité. On est ici pour rigoler, détourner et ironiser.
Cependant cet humour 47ème degré s’étend bien au-delà du conte apocalyptique. Et c’est peu dire ! Le pouvoir de l’ironie a envahi l’espace conversationnel. Désormais, tout signe est à double sens et il est de bon ton de comprendre l’inverse de ce qui est indiqué. Mais si ! Les petits chatons sur tapisserie florale hideuse (à la base un rouleau poussiéreux de chez Brico Dépôt) c’est trop in. Un loup hurlant à la lune inégalement fondu à une mystérieuse indienne sur un t-shit noir, c’est fun. Nom d’une tasse-mariage-Kate-et-Harry, on se fout de nous ou quoi ?!
Apparemment oui. A en croire Christy Wanpole, qui parle tout de même en qualité de chroniqueuse au New York Times, l’ironie serait devenue une manière d’être, une sorte d’ethos sociétal généralisé. Si cette forme discursive était un pays, les hipsters en seraient le gouvernement, les policiers et les juges. Et à bas les arguments fallacieux quant à la non-existence de ce sociotype ! Au même titre que les bobos ou les emo-skyblog en leur temps, les hispters existent ! Foutre de moustache à carreaux ! (Même si les principaux intéressés n’en ont pas nécessairement conscience). S’il s’en trouve encore pour réfuter cette thèse, et bien, alors nous énoncerons le postulat suivant afin de terminer cet article : “le hipstérisme est une manière d’être, socialement et individuellement. Le public concerné est né entre les années 80 et 90 et se compose de personnes tentant de négocier avec l’hypermodernité et ses flots de ressentiments individualistes non pas par des concepts mais par un matérialisme différenciant exacerbé”. Voilà qui est dit.
En traitant de chaque sujet avec ironie, des canevas de sa grand-mère à la création publicitaire (c’est dire s’il est polyvalent) notre pourfendeur de culture mainstream n’exprime jamais que sa propre vacuité. Mais point de blâme injuste ! Les pauvres essaient simplement de se défendre. Contre quoi ? Mais tout simplement contre la pression qui pèse sur chacune de nos pauvres petites épaules ! Mais quelle pression ? Celle qui nous rend hyper-responsable de nos choix esthétiques à une époque où l’expression prime sur le contenu, sacré non d’un fixie !
Bien sûr il serait trop facile d’accuser une communauté de toute l’ironie ambiante. Notre gentil barbu n’est finalement que le djihad d’un mal bien plus général que nous ne voulons bien le croire. Pour l’illustrer, il suffit de penser aux lunettes de la taille d’un vitrail gothique en vente chez tout opticien qui respecte un minimum son compte en banque. En clair : nous jouons tous plus ou moins avec un curseur hipstero-ironique présent au fin fond de notre de notre fatras neuronal.
Cette histoire de fin du monde n’est finalement qu’un vaste exercice d’ironie collective tendant à prouver que nous avons tous un petit côté hipster tout au fond de notre petit cœur. Une pompe toute molle en proie à de terribles interrogations quant à notre capacité à exister en tant qu’individu. La concurrence est rude dans la course à l’affirmation de soi, et il est évidemment plus facile d’y répondre par de vulgaires artifices expressifs que par une réelle réflexion de fond. Le charriage de cette fadaise méso-américaine nous arrange car il nous permet, pour un temps au moins, de remplir le vide intellectuel profond dans lequel nous nous baignions. Cette fin est pessimiste, mais de toute façon le 21 on crève tous, non ? (constatez toute l’ironie de la conclusion).