L’art et la publicité, deux mondes qui semblent opposés à première vue, ont trouvé un terrain d’entente fascinant. L’art, traditionnellement perçu comme une forme d’expression personnelle et de recherche esthétique, a longtemps été dissocié de la publicité, outil de promotion commerciale. Cependant, cette frontière s’est estompée au fil du temps, les marques exploitant de plus en plus l’art pour enrichir leurs campagnes. Ce mélange subtil permet non seulement de capter l’attention du public, mais aussi de rendre les messages publicitaires plus percutant·e·s et mémorables. Intégrer des éléments artistiques dans la publicité permet de transformer des messages commerciaux en véritables expériences visuelles et émotionnelles. Ce phénomène a été largement observé dans plusieurs études qui montrent que les consommateur·ice·s sont souvent plus réceptif·ive·s aux campagnes publicitaires s’inspirant de l’art ou utilisant des codes artistiques. Loin d’être de simples outils de vente, ces campagnes suscitent des réactions plus profondes en créant une connexion émotionnelle avec le public.
Ce lien émotionnel naît du fait que l’art évoque naturellement des sentiments et des souvenirs, engageant le·la spectateur·ice bien au-delà du produit. Ainsi, une publicité qui intègre l’art devient plus qu’un simple message, elle raconte une histoire. Cela explique pourquoi les marques de luxe, par exemple, sont parmi les premières à avoir adopté cette approche dans leur stratégie marketing.
Des collaborations artistiques emblématiques
Plusieurs marques ont compris l’impact que l’art peut avoir sur la perception du public et ont ainsi intégré des collaborations artistiques dans leur stratégie de communication. Un exemple célèbre est celui de Louis Vuitton qui, en 2002, a fait appel à l’artiste Takashi Murakami pour concevoir la collection Monogram Multicolore. Ce partenariat a permis à la marque de moderniser son image tout en s’associant à un univers artistique vibrant et ludique. Un autre exemple marquant est celui d’Andy Warhol, pionnier de la fusion entre l’art et la publicité. Warhol a su transformer des objets du quotidien en œuvres d’art iconiques, tout en questionnant la société de consommation. Son célèbre travail sur les Campbell’s Soup Cans est un exemple frappant de cette approche. Non seulement son œuvre a marqué le monde de l’art, mais elle a aussi contribué à promouvoir indirectement la marque de soupes, créant ainsi un pont entre l’art et le marketing.
L’Artketing : un nouvel outil de communication
Le concept d’artketing, qui désigne l’utilisation de l’art dans les stratégies marketing, a pris de l’ampleur ces dernières années. Ce phénomène, autrefois réservé aux marques de luxe, s’étend aujourd’hui à des entreprises plus généralistes. Le détournement d’œuvres d’art célèbres, comme la Joconde, dans des campagnes publicitaires, est un exemple de la manière dont l’art peut servir à renforcer le message d’une marque. L’artketing fonctionne parce qu’il active plusieurs mécanismes psychologiques chez le·la spectateur·ice. D’une part, l’esthétique artistique attire immédiatement l’attention, créant une rupture avec les publicités traditionnelles. D’autre part, le fait de reconnaître une œuvre d’art célèbre flatte le·la spectateur·ice, renforçant son engagement avec la marque. Cela permet d’établir un lien de connivence, transformant la publicité en un dialogue subtil entre l’art et le·la consommateur·ice. C’est le cas de la marque de yaourts française La Laitière qui a fait d’une œuvre d’art son logo et son image depuis plus de cinquante ans.
L’art et la publicité à l’ère numérique
Avec l’avènement des technologies digitales, l’art s’intègre encore plus facilement dans les stratégies publicitaires. Les œuvres numériques, les NFT et les réseaux sociaux ont ouvert de nouvelles perspectives, permettant aux marques de repousser les limites de la créativité. Pendant la pandémie de Covid-19, cette tendance s’est intensifiée, les marques cherchant des moyens innovants pour maintenir le lien avec leurs publics. Un exemple récent de cette symbiose entre art et publicité est la collaboration entre Louis Vuitton et l’artiste japonaise Yayoi Kusama en 2023. En plus des produits créés, la marque a transformé ses boutiques en véritables galeries d’art immersives, transportant les client·e·s dans l’univers visuel de Kusama. Ces installations artistiques, combinées à une stratégie digitale puissante, ont permis de créer une expérience unique, renforçant le lien émotionnel entre la marque et son public.
Pour rester dans l’actualité, le 25 septembre dernier, le musée du Louvre et la chanteuse américaine Lady Gaga ont publié sur Instagram un mini-clip audacieux réalisé par Warner Bros, où la chanteuse détourne l’image de la Joconde en lui dessinant un sourire sur la vitre avec du rouge à lèvres. Cette campagne, initiée par le Louvre pour promouvoir le film *Joker – Folie à Deux*, sert également à annoncer leur prochaine exposition “Figures du fou – Du Moyen Âge aux romantiques”, prévue à partir du 16 octobre. Cet exemple montre comment l’art et le marketing peuvent s’entrelacer pour créer un impact fort, en captant l’attention d’un public plus large et plus jeune, tout en conservant un lien avec le patrimoine culturel.
L’art comme véritable levier stratégique
L’intégration de l’art dans la publicité, ou artketing, est plus qu’une simple tendance, c’est un levier stratégique qui permet aux marques de se distinguer dans un paysage saturé. En exploitant les émotions et l’esthétique de l’art, les entreprises parviennent à créer des campagnes mémorables qui touchent profondément le public. Cette fusion offre un nouveau souffle à la publicité en lui donnant une dimension artistique, culturelle et émotionnelle. L’art dans la publicité ne se limite plus à la décoration ou à l’embellissement d’un message commercial, il devient une expérience en soi, invitant le·la consommateur·ice à réfléchir, à ressentir et à interagir avec la marque d’une manière totalement nouvelle.
Irena WARE, Maxime ROLLAND, Dorian RODRIGUES et Lina FRIKECH LARAKI