À l’occasion de la 27ème Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap qui se tiendra du 20 au 26 novembre prochain autour de la transition numérique, les étudiant·es du MASCI abordent pour ce 3ème numéro de la saison du Curious Live la visibilité du handicap à travers les médias.
Le handicap, effacé de l’espace médiatique ?
Les personnes en situation de handicap n’occupent pas la majeure partie de l’espace médiatique en France. Représentant pourtant 20% de la population, iels ne seraient présent·e·s qu’au sein de moins de 1 % des publicités selon une étude Kantar de 2022. Éric de Léséleuc, professeur de sociologie à l’Institut National Supérieur de Formation et de Recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés, constate par ailleurs une « mise en avant du handicap moteur, visible et plus médiatisé que le handicap mental ou d’autres pathologies ».
Mais si l’on s’intéresse à la façon dont les personnes directement touchées par le handicap perçoivent les informations qui leur sont destinées, on remarque que le chemin est encore long. D’après Olivia Boileau, étudiante malvoyante à l’université de Bourgogne, il existe actuellement un manque de renseignements sur les aides et solutions mises en place. Elle cite notamment les affiches ou les modes d’emploi, qui devraient selon elle utiliser des polices d’écriture plus grosses ou encore le braille, afin de faciliter l’accès à l’information. De plus, les logiciels de synthèse vocale tout comme les réseaux sociaux proposant des descriptions de photos s’inscrivent dans la volonté d’une amélioration de l’accessibilité des personnes en situation de handicap.
Pour traiter au mieux les questions liées au handicap, des agences de communication spécialisées existent, à l’image de Com/Une Différence, Econovia ou encore Tell Me The Truffe. Cependant, les campagnes de communication sont très encadrées et les entreprises sont également soumises à différentes règles. L’OETH (Obligation de l’Emploi des Travailleurs Handicapés) enjoint toute entreprise de 20 salarié·e·s et plus à employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6 % ou plus. Démarche que seulement 29 % des employeur·euse·s mettent en œuvre, à en croire les chiffres de 2021 de la DARES (Direction de l’Animation et de la Recherche, des Études et des Statistiques), témoignant ainsi d’un effort encore conséquent à réaliser de leur part pour faciliter l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap.
Mais les entreprises ne sont pas les seules à être concernées par certaines obligations. L’article 3-1 de la loi nº86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication précise que l’Arcom « contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations » et « veille […] à ce que la programmation reflète la diversité de la société française ».
Le petit et grand écran comme porte-étendards
Il existe aujourd’hui un réel besoin de la part des fictions de s’adapter à l’évolution des mœurs et donc à leur public. La représentation du handicap est en effet en train d’évoluer de manière positive, puisque les contenus mettant en avant les personnes en situation de handicap ont augmenté de 175 % sur la dernière décennie. À titre d’exemple, Good Doctor, série diffusée depuis 2017, met en scène un jeune médecin atteint du syndrome d’Asperger, type d’autisme se caractérisant par une grande intelligence ainsi que des difficultés à communiquer ou à créer des liens sociaux. Le film La Famille Bélier, sorti trois ans plus tôt, témoigne de son côté de la manière de s’adapter lorsque les membres de sa famille sont en situation de handicap, les parents et le frère du personnage principal étant ici atteints de surdité. De même, la série Vestiaires, diffusée sur France 2, a permis de visibiliser encore davantage les personnes à mobilité réduite.
Mais en dehors de la fiction, nous assistons de manière générale à une mise en avant plus importante des personnes en situation de handicap dans le secteur de l’audiovisuel. Les Rencontres du Papotin, également diffusée sur France 2, en est un exemple notable. Adaptation du journal Le Papotin, les journalistes, atteints du trouble du spectre de l’autisme, reçoivent à chaque numéro une personnalité en lui posant des questions aussi bien spontanées qu’inhabituelles. Programmée le samedi soir à la suite du journal télévisé, l’émission jouit ainsi d’une audience considérable.
En parallèle, la médiatisation des Jeux Paralympiques est de plus en plus importante depuis le début des années 2000 et contribue à mettre en avant les exploits sportifs des personnes à mobilité réduite. Ainsi, lors des prochains Jeux Paralympiques de Paris, tous les sports seront pour la première fois diffusés en direct et gratuitement, représentant ainsi plus de 300 heures de couverture télévisée et qui dans le même temps « constitue une opportunité inédite de marquer l’histoire des Jeux Paralympiques et de faire changer les regards sur le handicap en France » selon Marie-Amélie Le Fur, athlète handisport et présidente du CSPF (Comité Paralympique et Sportif Français).
Toujours en matière de sport, Decathlon a sorti en 2021 la campagne publicitaire “Le sport rend le monde meilleur” avec notamment un spot mettant en scène un match de basket-ball avec des joueurs en fauteuil roulant, preuve de l’engagement de la marque dans une démarche d’inclusion de tous·tes les sportif·ve·s.
Cependant, pour de nombreuses marques plane l’ombre du “handiwashing”, soit le fait de représenter des personnes en situation de handicap sans pour autant adapter leur façon de faire et ceci dans un but premier de faire du profit et améliorer leur notoriété. Une problématique qui concerne notamment le secteur de la mode.
Une prise de conscience du besoin des personnes en situation de handicap
Les médias représentent ainsi davantage les personnes en situation de handicap, mais ils s’adaptent également de plus en plus à elleux. À titre d’exemple, Canal+ va lancer en 2025 les Dystitles, des sous-titres adaptés et accessibles aux individu·e·s atteint·e·s de troubles en dys, tels que la dyslexie. Cette typographie, composée de lettres plus grosses et de nouveaux contours blancs, est censée permettre aux personnes dyslexiques d’« appréhender les sous-titres grâce à un design qui correspond à la manière dont leur cerveau perçoit les lettres » selon l’orthophoniste et neuropsychologue Béatrice Sauvageot. Au sujet des personnes dyslexiques justement, ARTE leur a récemment consacré un documentaire pour tenter de mieux comprendre ce trouble.
Mais au-delà de cette nouvelle forme de sous-titres, le FALC (Facile à lire et à comprendre), est de plus en plus utilisé, à l’instar du gouvernement qui l’utilise au sein de différents supports. Procédé consistant à simplifier un message, à travers une syntaxe, un vocabulaire et une mise en page adaptés, il permet ainsi aux personnes en situation de handicap ou maîtrisant mal la langue française de mieux la comprendre.
Enfin, nous remarquons d’une manière générale que même si la présence des personnes en situation de handicap est encore peu marquée à travers les médias, des efforts sont fournis de la part des différent·e·s acteur·ice·s depuis plusieurs années maintenant et semblent tendre vers une vraie mise en avant et davantage d’accessibilité.
Flavien BERT et Léa SIMONNET