Nous voici déjà au cinquième épisode du Curious Live, l’émission créée par les étudiants du Master MASCI, sur le thème cette année du patrimoine en Bourgogne. Cette fois, Etienne et Camille sont accompagnés de Valentine et Nicolas pour vous parler des enjeux culturels et communicationnels d’une stratégie territoriale. À cette occasion, les étudiants ont eu l’opportunité de rencontrer Julia Lardy, chargée de communication au Consortium Museum à Dijon.
La communication dans les institutions culturelles : un rôle essentiel
Les institutions culturelles, de la même manière que les entreprises, méritent une communication à part entière pour mettre en valeur leur activité. La particularité des industries culturelles réside dans le fait qu’elles ne promeuvent pas un produit matériel, tangible mais la promesse d’une expérience particulière et privilégiée pour le visiteur ou le spectateur. Un moment d’évasion basé sur les émotions.
La communication culturelle doit retranscrire la sensation de proximité éprouvée lorsque l’on se retrouve en concert à quelques mètres de son artiste favori, le sentiment de grâce ressenti lorsque l’on fait face à une peinture de la Renaissance Italienne, l’odeur d’Histoire lorsque l’on met les pieds sur un site archéologique millénaire ou encore le goût de l’effroi en arpentant les tranchées où tant de vies ont été laissées.
En ce sens, une pratique est aujourd’hui en plein essor au point de devenir une véritable tendance : le marketing sensoriel. Cette pratique s’est d’abord développée dans l’industrie avec la grande distribution comme fer de lance. On stimule les sens du consommateur afin de l’attirer dans le point de vente et le conduire à l’achat.
Dans le domaine culturel, cette pratique vise à stimuler les sens du spectateur ou visiteur de la part des institutions. Nous avons aujourd’hui à faire à un consommateur ou spectateur à la fois sensible et en quête de sens…
Les musées en Bourgogne
“Dijon, ville d’Art et capitale de la gastronomie.” Tel était le slogan de la ville de Dijon il y a 100 ans, comme l’avait décidé l’emblématique maire de l’époque, Gaston Gérard. Si Dijon est toujours aussi connue et reconnue pour sa gastronomie, comme cela a été mis en avant dans la précédente émission du Curious Live, la cité ducale dispose de par son histoire d’un patrimoine culturel et artistique très riche, lui octroyant un rayonnement national et international. Depuis plus d’un siècle, la ville de Dijon place donc l’Art et la Culture au cœur de sa stratégie de communication territoriale afin de dynamiser son territoire et de sensibiliser dijonnais et touristes à la richesse de son patrimoine.
Ville d’Art et d’Histoire depuis 2008 grâce à un label décerné par le Ministère de la Culture et de la Communication, Dijon est ainsi récompensée pour son engagement dans une politique d’animation et de valorisation de son patrimoine culturel et architectural. Une appellation qui vient reconnaître, à juste titre, l’effort de la capitale bourguignonne pour mettre en avant son histoire et son patrimoine exceptionnel.
Un effort symbolisé par une institution culturelle importante : la Direction des Musées de Dijon. Regroupant le musée des Beaux-Arts, le musée François Rude, le Musée de la Vie bourguignonne, le musée Archéologique et le musée d’Art Sacré, cette organisation offre à la ville un pouvoir d’attraction important et permet de “hisser Dijon au rang des plus grandes capitales de l’art contemporain” selon François Rebsamen, maire de la ville. Un souhait également d’ouvrir les musées et la culture à tous les horizons grâce à un environnement propice et une politique culturelle active.
Ces lieux forts en histoire culturelle sont tous situés en centre-ville et profitent ainsi d’emplacements inscrits dans le patrimoine de la ville de Dijon (ancien palais des ducs, ancienne église, ancien monastère, ancienne abbaye). Il existe donc une véritable volonté de faire perdurer l’histoire de la ville et de transmission du patrimoine à travers le prisme de l‘Art.
La direction des musées de Dijon et sa communication ont, via une stratégie globale bien établie, quatre grands objectifs :
- Faire dialoguer les musées et le patrimoine : La direction des musées et la direction de la valorisation du patrimoine travaillent en étroite collaboration pour favoriser le dialogue et les passerelles entre les musées et le patrimoine d’une ville qui bénéficie du label “Ville d’art et d’histoire” pour gagner en intelligence, en force et en visibilité. A Dijon, les collections des musées sont souvent indissociables de l’histoire de la Bourgogne. Même si chaque musée a ses collections spécifiques – archéologie, ethnologie, art sacré, beaux-arts, art moderne et contemporain… – ensemble, liés à un patrimoine exceptionnel sur un plan international, ils révèlent le portrait inédit de Dijon et de son territoire élargi depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours. Parfois leurs collections dialoguent naturellement avec les rues, les places, les paysages… et rappellent les mutations esthétiques et socio-économiques de la Cité des Ducs.
- Mettre en évidence les continuités thématiques et chronologiques qui permettent le renvoi d’un site à l’autre. La direction des musées a pour objectif de proposer un schéma de compréhension et de mise en valeur du territoire.
- Irriguer le territoire, en s’adressant à l’ensemble de la population, pour faire de la richesse patrimoniale de la ville une ressource accessible à tous, pleinement intégrée dans les pratiques culturelles des habitants du territoire.
- Attirer vers le territoire, en revendiquant la capacité d’attraction que représentent à l’extérieur les éléments majeurs de son patrimoine, capables de faire venir à Dijon des flux touristiques importants et de participer au rayonnement et à la notoriété du territoire à l’échelle internationale.
Quelques campagnes de communication
La collaboration du musée des Beaux-Arts avec les tramways Divia a fait sensation. En 2019, l’habillage d’un tramway a été repensé afin de mettre à l’honneur la réouverture du Musée des Beaux-Arts. Affichant une couleur dorée avec le symbole du musée, plusieurs œuvres sont présentées sur les parois et le plafond de la rame. L’occasion de voyager avec le plafond de Prud’hon ou encore l’Action et le Repos de Jean-François Colson. Par cette action, Divia affirmait vouloir montrer son implication en faveur de la réouverture du musée. Une campagne très appréciée par les Dijonnais, ravis de découvrir ou redécouvrir certaines œuvres d’art de la collection.
Accroître la curiosité, ouvrir l’appétit et remonter le temps : tels étaient les objectifs du musée archéologique de Dijon. Du 21 mai au 28 novembre 2021 avait lieu l’exposition Passé à table, fragments d’une histoire Dijonnaise, représentant environ 120 objets mis à disposition par les principaux acteurs d’archéologie du territoire. Certains musées régionaux et les musées de la ville de Dijon y ont également prêtés certaines pièces. Une programmation riche autour de cet événement puisqu’en plus de l’exposition, avaient lieu des visites commentées, des ateliers, des rendez-vous familles ou encore des rencontres hors les murs.
Le musée des Beaux-Arts de Dijon participe en 2022 à une exposition nationale présentée dans dix-huit villes de France. En effet, le musée possède l’une des plus belles collections d’art islamique en France. Quelques-uns de ses chefs-d’œuvre sont réunis dans une exposition qui envisage le monde islamique dans la grande diversité de ses cultures, sur un territoire allant de l’Espagne à l’Inde, du Moyen Orient à l’Asie centrale.
Au fil de la riche histoire des arts de l’Islam, l’exposition explore les échanges noués avec le continent européen, dont témoigne la grande circulation des objets, des formes et des techniques artistiques.
Le Consortium : la mise en lumière d’artistes internationaux
Une opportunité pour la ville de Dijon, ce musée d’art moderne met à l’honneur des artistes internationaux lors d’expositions temporaires depuis 1977. Avec une renommée nationale et surtout internationale, le musée s’inscrit dans une démarche de réflexion et d’expérimentation dans le domaine de l’ingénierie culturelle et l’administration d’actions culturelles et artistiques liés aux Arts Vivants. Plus de 230 expositions ont été présentées au Consortium et 90 expositions hors les murs. Le musée est labellisé “Centre d’art contemporain d’intérêt national” depuis le début des années 1980.
Le Consortium a reçu de nombreuses distinctions internationales, parmi lesquelles le prix spécial du jury à la Biennale de Venise en 2001 (pour le pavillon français par Pierre Huygue) et le prix Turner en 2008 pour l’artiste de l’année (Mark Leckey dans la catégorie cinéma). Des artistes internationaux tels que Niele Toroni, Cindy Sherman, Richard Prince, On Kawara, Maurizio Cattelan, Christopher Wool, ou Alex Israël ont réalisé leur première exposition monographique en France au Consortium.
Le musée a même été mis à l’honneur dans un article rédigé par le New-York Times en 2016. En effet, le Consortium est connu pour avoir des intérêts très prononcés pour les artistes américains et avoir créé de véritables liens avec les Etats-Unis.
Cibler un public varié
La stratégie est aussi de cibler les professionnels, à la fois français et étrangers. On parle ici de personnes un peu plus expertes comme des artistes, des collectionneurs, des personnes travaillant dans des institutions. Cette communauté-ci permet d’acquérir une reconnaissance importante.
La collection du Consortium est riche de plus de 300 œuvres d’une centaine d’artistes internationaux, pour la plupart acquises au tout début de leur carrière. Une partie de cette collection est en cours de donation à la ville de Dijon, inaugurant ainsi, par le biais du Musée des Beaux-Arts, une relation privilégiée avec la collectivité dijonnaise dans sa volonté de développement du patrimoine contemporain.
Une architecture séduisante
Situé dans un premier temps dans un appartement, puis dans une librairie alternative ou encore dans un ancien magasin d’électroménager, le Consortium aura voyagé avant de finalement s’installer dans l’ancienne usine l’Héritier Guyot au 37 rue de Longvic, transformée par l’architecte Japonais Shigeru Ban en 2011. Plusieurs espaces ont ainsi été aménagés dans cette infrastructure de 4000m² : un espace dédié aux expositions permanentes et temporaires, un plateau de rencontres entre public et artistes, un centre de ressources dédié à l’art contemporain, une salle de spectacles, une boutique, ainsi qu’un lieu d’accueil et de médiation culturelle.
Grâce à cette façade contemporaine, le musée dénote avec l’architecture de son quartier et même du centre-ville médiéval de la Cité des Ducs.
Julia Lardy nous confirme que l’architecture du musée attire effectivement les visiteurs :
Pour aller plus loin
- A partir du 4 février 2022, le Consortium accueillera quatre nouvelles expositions des artistes Elizabeth Glaessner, Sergej Jensen, Nathaniel Mary Quinn et l’exposition Tenderness de Tursie & Millie.
- Expostion Arts de l’Islam au Musée des Beaux-Arts de Dijon, jusqu’au 27 mars 2022
- Documentaire sur l’artiste prodige de l’art contemporain Olafur Eliasson, Arte.tv
Sources
- Quand les institutions culturelles s’ouvrent au marketing sensoriel… et s’en défendent : enjeux et paradoxes, Séverine Marteaux, Rémi Mencarelli, Mathilde Pulh, Management & Avenir 2009/2 (n° 22), pages 92 à 108
- Philippe Poirrier. Dijon, ville d’art et capitale de la gastronomie. L’invention d’une image urbaine (1919-1935). French Cultural Studies, SAGE Publications, 2014, 25 (3-4), pp.357-365.
- https://musees.dijon.fr
- https://www.leconsortium.fr/fr