Nous voilà au sixième rendez-vous du Curious Live, l’émission radio mensuelle des étudiants du Curious Lab, lors desquelles des sujets autour de l’éthique et de la responsabilité sociétale des entreprises sont abordés.
Cette fois-ci, Élise Jager et Eva Den Broeder sont accompagnées de Marilyn Lagrost, Pauline Guyot et Aliya Mansar pour une introduction à l’écoféminisme.
Retrouvez les podcasts Curious Live sur www.rcf.fr en Bourgogne.
A la découverte de l'écoféminisme
L’écoféminisme est un concept introduit pour la première fois en France par Françoise d’Eaubonne en 1974. Il est né de la rencontre de différents mouvements et il exprime un lien direct entre l’exploitation de la planète et l’oppression des femmes – c’est la remise en question de deux modèles : le patriarcat et le capitalisme. De manière à simplifier, le capitalisme est accusé d’asservir les femmes et la nature, il n’y a pas de capitalisme sans l’exploitation des ressources et pas de capitalisme sans des personnes à exploiter, non plus !
Si le terme “écoféminisme” a été employé par une Française pour la première fois, le mouvement ne s’est pas pour autant développé dans l’Hexagone et a surtout pris de d’ampleur à l’étranger, notamment aux États-Unis et en Inde où de nombreuses protestations ont eu lieues, et où les écoféministes se sont réapproprié l’idée de nature.
A cette époque, l’écologie n’était pas la priorité et l’écoféminisme apparaissait comme un mouvement à contre-courant du « féminisme traditionnel » qui était opposé à l’idée du lien de nature et de féminité. Aujourd’hui c’est un mouvement dont on entend de plus en plus parler à mesure que la situation écologique s’aggrave mais aussi grâce au partage d’informations sur les réseaux sociaux.
Être écolo, un travail de femmes ?
Les femmes sont majoritairement plus engagées dans des combats écologiques que les hommes. Un fait qui peut se constater sur le plan professionnel, où les femmes sont environ 60% à travailler dans les métiers liés à la transition écologique et sociale. Dès l’université, les étudiants et étudiantes ne placent pas de la même façon les préoccupations écologistes. Les jeunes femmes placent ces critères dans le top 3 de leurs préoccupations professionnelles, alors que les jeunes hommes, de leur côté, placent plutôt les opportunités d’avancement ou le salaire dans ce même top. La politique écologiste est également de plus en plus représentée par des femmes. En 2020, davantage de femmes écologistes sont devenues maries de grande ville : Besançon, Poitiers, Strasbourg…
Un constat qui est aussi visible dans la sphère privée. En juillet 2018, une étude réalisée par Mintel (société d’étude de marché basée à Londres) a permis d’apporter ce constat en données chiffrées. L’étude a montré que 71% des femmes déclaraient avoir adopté un mode de vie plus éthique, contre 59% des hommes. Les disparités dans les actions écologistes sont également visibles dans les tâches ménagères, les femmes consomment plus pour les dépenses liées à la maison, car elles restent les principales responsables de la sphère ménagère. Les femmes utilisent également moins la voiture ou mangent moins de viande que les hommes, celles-ci ayant un salaire moyen plus faible que ces derniers.
Une femme écologiste est-elle forcément féministe ?
Sans faire de généralité, il est possible de dire qu’une femme écologiste est probablement aussi féministe. Aujourd’hui, l’écologie est une cause considérée comme politique et il est possible de faire le même constat pour le féminisme. Les personnes, en majorité les femmes, qui se battent pour l’égalité des sexes et la parité sont principalement les mêmes personnes qui se battent en faveur de l’écologie. En effet, les personnes souffrant le plus des inégalités de genre sont les femmes, c’est un fait établi. Et c’est aussi les femmes qui souffrent le plus de la précarité liée au réchauffement climatique. L’ONU d’ailleurs affirme que les femmes seraient 14 fois plus touchées que les personnes de sexe masculin par les conséquences liées au dérèglement climatique. Par conséquent, ce sont elles qui se battent le plus pour faire entendre leurs voix et leurs préoccupations quant aux problématiques écologiques.
En moyenne, les victimes de catastrophes naturelles sont plus souvent des femmes. Les chiffres suivants permettent d’illustrer ces faits :
- 61% des victimes du Cyclone Nargis au Myanmar (2008) étaient des femmes.
- 75% des victimes du Tsunami de l’océan indien à Banda Aceh (2004) étaient des femmes.
- 91% des victimes du Cyclone Gorky au Bangladesh (1991) étaient des femmes.
Source : @ecofeminismevspatriarcat sur Instagram.
En Inde ou en Guinée, ce sont majoritairement les femmes qui travaillent la terre et la nature. Plusieurs mouvements écoféministes se sont élevés afin de revendiquer leur colère quant aux dégâts qu’elles constataient. Ces femmes utilisent la nature et ses bienfaits pour cultiver, créer, nourrir, soigner, etc. Si les ressources qu’elles utilisent disparaissent, elles en seront les premières victimes.
Les femmes, sauveuses de la planète : réalité ou charge mentale ?
La charge mentale ménagère est un principe de sociologie traitant de la charge cognitive. Dans ce phénomène, la gestion du foyer au quotidien représente une charge cognitive pour la personne. Bien que femmes et hommes soient tous concernés, les femmes en ressentiraient beaucoup plus les effets. Selon une enquête réalisée par l’IFOP, ¾ des femmes affirment participer plus aux tâches ménagères que leur conjoint.
La prise de conscience écologique a fait naitre un nouveau dérivé : la charge environnementale. Les femmes, plus actives au sein du foyer, se retrouvent à la tête de toutes ces tâches écologiques : tri sélectif, fabrication des produits ménagers maison, utilisation de tote bag, de bocaux…
Avoir des femmes en tête des combats écologistes peut sembler être une victoire pour celles-ci, néanmoins cette mise en lumière peut mener à du contre féminisme et donner aux femmes une image de “fée du logis sauveuse de la planète et de la situation”. La charge morale de la peur de l’échec et de la culpabilité s’ajoute alors au poids de la charge mentale des femmes.
Comment être écoféministe ?
Il existe une pluralité d’approches et de pratiques complexes. Cela peut être une mentalité, un combat, une lutte mais aussi un choix, ou même pour certaines, une responsabilité. Être écoféministe c’est d’abord pratiquer des gestes écologiques simples. Pour une approche plus militante, le courant écoféministe souhaite partager collectivement de l’espoir, l’insuffler un souffle producteur notamment à travers de manifestations festives. L’aspect militant est quant à lui basé sur des initiatives positives et non des manifestations plus “extrémistes”, qui ont mauvaise image.
Dans le monde, plusieurs mouvements ont vu le jour. Dans les années 70, au Kenya, le Green Belt Movement consistait, pour les femmes, à planter des arbres contre la déforestation. Au Japon, les femmes sont au premier rang des manifestations anti-nucléaires afin de faire entendre aux pouvoirs concernés la dangerosité des dégâts que peut produire le nucléaire.
Les figures de l'écoféminisme ?
Vandana Shiva est une femme d’origine indienne âgée de 67 ans, elle est initialement issue d’une formation de physicienne et est militante anti-OGM. Elle est volontaire dans les années 1970 au sein du mouvement Chipko, un mouvement de femmes indiennes qui défendent leurs terres en enlaçant et en s’attachant aux arbres afin d’éviter qu’ils ne soient rasés.
Greta Thunberg : la jeune suédoise qu’on ne présente plus et qui envoie balader les plus grands dirigeants du monde. Même si elle ne se revendique pas à proprement parler comme écoféministe elle a déclaré sur Twitter : “Plus je lis sur la crise du climat, plus je réalise à quel point le féminisme est crucial. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde durable sans égalité entre les genres et les personnes“. En tête des marches pour le climat, portées initialement par la jeune suédoise, on retrouve bien souvent des jeunes adolescentes prêtes à reprendre le flambeau.
En conclusion, l’écoféminisme est un mouvement qui a pour but d’alerter la société sur ce que la planète est en train de subir, et sur ce qu’il risque de se passer si personne ne prend d’actions concrètes, porté par celles qui sont principalement touchées par les maux écologiques : les femmes. Ce rassemblement, comme beaucoup d’autres, n’est apparu que très récemment. Avec pour ambition de créer un monde plus égalitaire et plus durable, c’est en changeant les mentalités que l’on peut y arriver.
Vous voulez en savoir plus ?
- Découvrez le recueil de poèmes Reclaim d’Emilie Hache ou bien Sœurs en écologie de Pascale d’Erm.
- Si les podcasts sont plus à votre goût alors on vous conseille Quoi de Meuf, son 61e numéro est dédié à l’écoféminisme.
- N’hésitez pas à suivre les épisodes de la websérie Just Women It! des étudiants du MASCI !