30 ans après la démocratisation d’Halloween en France, notamment grâce aux marques, c’est au tour de la fête mexicaine du jour des morts (El día de los muertos) de s’inviter dans l’Hexagone, avec des événements portés par exemple par le Parc Floral de Paris.
Un symbole de la culture mexicaine
Si on fête la Toussaint en France le 1er novembre, au Mexique, la fête du jour des morts, connue sous le nom de El día de los muertos, prend place chaque année entre le 27 octobre et le 2 novembre. Inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2008, elle est également célébrée aux Etats-Unis dans les états comme la Californie, la Floride ou l’Illinois, où une part non négligeable de la population est de culture latino-américaine (soit environ 20 millions de personnes en 2010).
Traditionnellement, on pense que les âmes de parents décédés peuvent rendre visite aux vivants. Pour que les âmes de leurs ancêtres ne se perdent pas, les cimetières sont décorés avec des rubans spéciaux et des lumières. Les routes sont également éclairées avec des bougies pour marquer le chemin de retour pour les mort•e•s.
Parmi de nombreuses traditions, l’autel construit par chaque famille tient un rôle important. Composé de plusieurs niveaux remplis d’objets que le/la défunt•e aimait (jouet, livre, nourriture, bougie, photo, etc.). La nourriture joue également un rôle aussi festif que symbolique, avec au menu du pan de muertos – pain blanc au goût d’orange – et de l’atole – boisson chaude au maïs ou au chocolat chaud. Prélude aux célébrations familiales, un défilé déguisé, – avec par exemple le costume de la Catrina, squelette aux couleurs vives et détails fleuris-, accompagné de chants et de danses est organisé. Ce défilé est extrêmement populaire puisqu’il a rassemblé plus d’un million de personnes admirant le spectacle de plus d’un kilomètre de long dans les rues de Mexico en 2017 (Reportage réalisé pour le Tourmag par Jean-Paul Combe. À retrouver ici: Mexico rassemble plus d’un million de spectateurs pour la Fête des Morts).
Enfin, le 1er novembre, les jeunes déguisés en robes et costumes traditionnels vont quémander des bonbons pour honorer les enfants décédés. Bien évidemment, cette fête traditionnelle est également devenue commerciale. Des déguisements aux sucreries en passant par des produits de consommation variés conçus spécialement pour l’occasion : un temps fort pour la communication.
Une fête bien implantée en Amérique du Nord
À l’étranger, la fête est également suivie par la communauté mexicaine qui s’y est implantée. À Los Angeles, cette fête est célébrée le 28 octobre et est parfois surnommée “Halloween Mexicain”. Au Hollywood Forever Cemetery des milliers de personnes en costumes et masques traditionnels se rassemblent, depuis 24 ans, pour se souvenir de leurs ancêtres en dansant parmi les tombes.
Autre signe de succès de cette fête : plusieurs marques y ont consacré des séries limitées, l’utilisant pour rythmer leur communication commerciale. Ainsi, Nike a sorti depuis cinq ans une collection de baskets spécialement conçues pour cette tradition emblématique. Reprenant des éléments visuels traditionnellement associés aux festivités (broderies florales, couleurs vives…), la marque au Swoosh propose également d’autres modèles artificiellement vieillis pour un aspect plus “jour des morts”, qui ont fait la joie des collectionneur•se•s.
Dans le monde des jeux vidéo, The Sims 4 a vu apparaître dès 2016 un pack spécial imaginé par Electronic Arts. L’objectif : compléter une collection de crânes en sucre, les calaveras traditionnels de la fête, permettant de débloquer de nouveaux paramètres pour le personnage de la Faucheuse. Une façon originale de faire connaître cette fête de façon internationale, auprès d’un public plutôt jeune. Cet événement n’a pas été renouvelé mais a généré des centaines de vidéos notamment sur YouTube et des réactions dans le monde. La fête est aujourd’hui toujours célébrée par la communauté sur le jeu.
De Zorro à Coco
Vecteurs de culture populaire, les séries et les films ont aussi leur rôle à jouer dans la familiarisation avec un événement venu de loin. Ainsi, le personnage de Zorro, originaire de Nouvelle-Espagne – aujourd’hui Mexique – a été créé en 1919 par Johnston McCulley. Le justicier masqué, héros de séries puis de films, a été l’une des premières occasions de familiariser de nombreux publics avec les traditions mexicaines, faisant de lui un symbole de la pop-culture, apparaissant dans d’autres séries comme les Simpson en 2000.
Plus récemment, en plongeant dès la scène inaugurale le célèbre agent James Bond au cœur de l’impressionnant défilé de la fête des morts de Mexico, le film Spectre sorti sur les écrans en 2015 a contribué à populariser les codes visuels propres à cet événement. Ce dernier a attiré plus de 4,9 millions d’entrées en France et engrangé plus de 200 millions de dollars aux États-Unis, contribuant à faire connaître la tradition mexicaine.
Autre film qui a également contribué à faire rayonner El día de los muertos hors des frontières mexicaines : Coco, grand succès de Disney en 2017. Il ne lui a fallu que 17 jours pour battre le record du plus grand succès d’un film d’animation au box office au Mexique, en attirant plus d’un million de spectateur•trice•s en France.
En France, le développement de la célébration de El día de los muertos
Depuis 2015, l’association Mexico à Paris y fête El día de los muertos. Cette année, la sixième édition a eu lieu au Parc Floral. Appelé “la fête des morts” à ses débuts, l’événement est présenté sous le nom d’El día de los muertos depuis 2018. Ce changement de nom marque une implantation progressive de la culture mexicaine en France.
Enfin, Deliveroo a aussi joué le jeu cette année en se mettant aux couleurs du jour des morts. Cette année, le service de livraison a offert Calavera et Pan de Muerto aux 50 premières commandes d’un restaurant mexicain parisien. Mais l’intérêt pour la culture mexicaine ne s’est pas développé que dans la capitale. Ainsi, Bligny-sur-Ouche (21) a accueilli la troisième édition du festival Día de los muertos où, durant trois jours consécutifs, le Mexique s’est attablé dans ce petit village de Côte d’Or et notamment à la chocolaterie culturelle Purokao pour fêter le jour des morts. Cette chocolaterie artisanale mexicaine a ainsi fait découvrir d’autres produits d’Amérique centrale fabriqués par des artistes mexicain•e•s, tout en mettant en avant sa propre production. En effet, le cacao est également d’origine mexicaine, ses plus anciennes traces datant du IIe millénaire avant J.C et ayant été retrouvées dans des céramiques pré-olmèques d’El Manatí, sur la côte du golfe du Mexique.
Ainsi, El día de los muertos se popularise de plus en plus hors des frontières mexicaines. À voir comment les plus créatif•ve•s sauront s’emparer de cette nouvelle occasion de communication dans les années à venir.
Timothé Cottin et Rick Van Den Berg