Le tournant dans la communication des industries musicales
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie musicale connaît un tournant. La coopération entre les médias s’amplifie. L’apparition de la télévision dans les années 60 permet la diffusion massive de chansons mais également de figures musicales qui resteront emblématiques pour les décennies à venir. Ces innovations permettent à des artistes de connaître de véritables succès et d’en faire les premières stars. Elvis Presley aux Etats-Unis avec son fameux déhanché, devient le “King”, le roi du rock’n’roll. En Europe, la Beatlemania connaît déjà un succès depuis le début des années 60. C’est enfin en 1964 que les Beatles accroissent leur popularité grâce à un simple passage dans l’émission TV “The Ed Sullivan Show”.
Les années 60 et 70 sont une période importante dans l’histoire de la musique. C’est la montée en puissance des groupes de rock avec des chanteur·euse·s qui sont de véritables bêtes de scène. Mick Jagger, du groupe The Rolling Stones en est l’exemple parfait. Il est considéré comme l’archétype du chanteur de rock par son jeu de scène démonstratif, son attitude et son charisme. Une rockstar en soit.
Dans les années 60, d’autres noms émergent. Cette fois-ci, ce ne sont pas des chanteur·euse·s ou groupes de musique mais des producteurs·trices. Phil Spector s’affirme comme l’un des producteurs les plus inspirés. Son fameux “mur du son” illustre une nouvelle approche de la production. Le but : donner à la musique pop la profondeur sonore d’un orchestre classique lors d’un enregistrement studio. Il révolutionne le traitement sonore de la production et utilise le studio comme un instrument à part entière. Comme il le dit : “J’imagine un son, un son si puissant que même s’il ne s’agit pas des meilleures chansons, le son suffirait à porter le disque.” Il collabore notamment avec des artistes tels que Les Beatles, Leonard Cohen ou encore les Ramones. D’autres groupes prendront exemple sur cette méthode dans les années qui suivent. Le groupe Queen, avec son album “A night at the Opera” enregistre sa chanson Bohemian Rhapsody selon un style opératique, avec des arrangements à la fois a cappella ou encore hard rock.
Alors pourquoi faire appel à un·e communicant·e ?
La communication est une facette très importante de la carrière d’un·e artiste. Elle a vocation à partager sa musique, à faire connaître sa personne et informer sur ses actualités musicales ou encore ses dates de concerts. C’est donc généralement les labels qui s’en chargent.
Lorsqu’un·e artiste signe un contrat avec un label, sa promotion et celle de sa musique sont très souvent incluses dans ce contrat. En effet un·e manager, un·e community manager ou encore un·e directeur·trice artistique prennent en charge toute la partie communication et marketing de ces artistes afin de les propulser au mieux. Les labels utilisent leur réseau et la communauté qu’ils ont déjà formée autour de leur entreprise et des artistes qu’iels ont précédemment signé dans le but de les faire connaître du plus grand nombre.
Gestion de leurs réseaux sociaux, création d’un site web afin d’héberger la billetterie de leurs concerts, création et gestion de la campagne de lancement d’un album ou encore organisation des prises de paroles de l’artiste sont autant de tâches gérées par les labels.
En revanche, certain·es artistes communiquent également via leur personnalité, le personnage qu’iels se sont créé·e·s ou encore leurs engagements et les causes qu’iels défendent, qu’iels transmettent dans leur musique. C’est ainsi qu’iels fédèrent une communauté : leurs fans.
Nous pouvons prendre comme exemple Michel Polnareff et ses mythiques lunettes blanches : un accessoire qu’il n’a jamais quitté et qui lui est donc associé. En 2007, sur les affiches de ses concerts, seules ses lunettes étaient clairement identifiables et pourtant, ses fans savaient exactement de quel·le artiste il s’agissait.
Les Daft Punk, duo internationalement connu, ont entretenu une communication de la rareté. Sur le plan physique avec leurs casques intégraux qui ne laissaient pas apparaître leur visage mais également au sein de la sphère publique puisqu’ils ont rarement accepté les interviews des journalistes. Ainsi, cela rendait chaque prise de parole inédite et très précieuse, notamment pour leurs fans.
Quand les artistes font couler l’encre
Certain·es artistes se servent de coups d’éclat pour faire parler d’elleux ou pour réaffirmer leurs convictions, l’attention générale est alors tournée vers eux plus ou moins longtemps. Mais au final, cela n’est pas nouveau. En dehors de ses chansons iconiques, Serge Gainsbourg reste également dans les mémoires pour de nombreux moments télévisuels devenus historiques. Ceux-ci ont ainsi renforcé son personnage, à la fois génial et problématique. Un clash avec Guy Béart pendant Apostrophes à propos des chansons populaires qu’il considère comme un art mineur ou un billet brûlé en direct sur le plateau de Sept sur Sept afin de dénoncer à sa manière l’augmentation des impôts. Ce flambage, au propre comme au figuré, choqua une partie du public, l’accusant ainsi d’une déconnexion totale avec la population. Mais Gainsbourg avait parfaitement réfléchi à son acte. Si le billet brûlera entièrement, ce qu’il n’avait pas prévu, les retombées seront en revanche au rendez-vous, ce qu’il voulait. Son personnage sulfureux, contestataire et controversé s’en verra ainsi renforcé.
Mais les coups d’éclat ne proviennent pas toujours de personnages du même caractère. Loin d’être aussi sulfureux et controversé, Daniel Balavoine n’en était pas moins contestataire lui aussi. Reste en mémoire son invective en 1980 sur le plateau d’Antenne 2 envers le futur président François Mitterrand à propos de l’état de la jeunesse de l’époque. Le chanteur, plus qu’engagé, semblait être l’un des seuls en mesure de s’opposer à une figure d’autorité comme celle-ci. Cela s’inscrivait en lien avec sa personnalité et ses convictions, lui toujours prêt à défendre les personnes invisibilisées au fil de ses disques.
Mais si ces artistes étaient encore avec nous aujourd’hui, seraient-iels aussi enclins à faire parler au cours d’interventions médiatisées ? À l’heure actuelle, les artistes musicaux qui font le plus généralement parler d’elleux en raison de leurs propos ou comportements restent davantage les interprètes issu·es de la scène rap, JoeyStarr ou Booba en tête, connus notamment pour leurs clashs envers d’autres membres de ce milieu musical ou des personnalités diverses. Dans un autre registre cependant, Michel Sardou est également notable au niveau de prises de parole choc.
Autant connu de la jeune génération pour ses déclarations que pour ses titres, le chanteur n’a pas peur de provoquer voire d’offusquer, que ce soit à propos de l’écologie ou du féminisme notamment, davantage dans un but de transparence auprès du public en raison de ses opinions que pour faire parler de lui dans un objectif commercial, les places pour sa tournée d’adieu se vendant en un temps record. Le signe également d’une certaine mutation des médias et des mentalités, là où le même type de propos trois ou quatre décennies en arrière n’auraient pas été autant médiatisés et auraient fait partie de la norme.
Le son et l’image
Bien que les clips associant musique et vidéo aient été créés quelques décennies plus tôt, les années 80 marquent l’apogée des clips musicaux. Il s’agit de la période durant laquelle le clip s’est positionné en tant qu’outil incontournable de la communication des chanteuses et chanteurs.
Mais officiellement, l’industrialisation du vidéo-clip a commencé en 1981. Dès ses débuts, on a vu que l’influence de la publicité dans l’art du vidéo-clip était très présente. Les montages des clips vidéos sont hachés avec beaucoup de coupures entre les différentes séquences vidéos afin d’accompagner le rythme de la bande-son.
Donc au début, le clip était une simple mise en image d’une chanson mais très vite il a commencé à emprunter des images au cinéma, à la bande dessinée ou aux actualités. Au départ, le vidéo-clip n’était qu’un outil promotionnel servant à faire connaître les artistes et les aidant à vendre leurs disques. Car, en effet, on estime que la diffusion d’un clip fait augmenter les ventes du disque de 10 à 12% même si le clip est souvent davantage plus attendu que le disque.
Un artiste qui a complètement révolutionné les vidéos musicales de l’époque, faisant très spot publicitaire, c’est Michael Jackson. Il a été le premier dans les années 1983 à transformer un clip musical en une œuvre filmographique à part entière. Ses clips Billie Jean, Beat It et Thriller ont été parmi les premiers mini court-métrages musicaux. Ils ont ainsi inauguré l’âge classique du vidéoclip. Ils ont permis à Michael Jackson de se positionner en tant que phénomène culturel. Ces clips ont fait que la musique est devenue en quelque sorte le support de l’image vidéo et non l’inverse. Et donc, la musique n’a plus été du centre de la création de Michael Jackson bien qu’il fut un grand compositeur. Le clip est donc devenu, plus encore qu’un outil promotionnel mais vraiment la finalité de son œuvre.
L’arrivée du numérique
L’arrivée du streaming a radicalement changé le marché de la musique. Le nombre d’écoutes et les bénéfices liés à ces dernières ont modifié la manière de créer des artistes. Des musiques plus courtes et ayant plus tendance à être partagées sont élaborées afin de satisfaire les attentes des utilisateurs·trices de ces services. Mais si aujourd’hui, certain·es artistes ne jurent presque que par ce type de plateforme, iels vont, parallèlement à cette montée en puissance, encourager comme d’autres l’achat d’albums physiques auprès de leur communauté.
Orelsan en est l’exemple récent le plus parlant. En 2021, à l’occasion de la sortie de son album Civilisation, il va créer le besoin chez son public en commercialisant 15 versions différentes de CD en édition limitée, à l’image des 15 titres de l’opus. Comme il le souligne lui-même : « les gens achètent des CD, mais la plupart du temps, ils ne les écoutent pas. Alors on s’est dit “autant faire un bel objet” ». Cela suscite une attente considérable chez son public, chaque fan n’a pas idée du CD sur lequel iel va tomber et iel pourra ainsi le comparer avec d’autres qui l’auront également acheté. Cette démarche innovante, renforcée par le design marquant de chaque disque, va permettre à l’album, déjà très attendu, de faire exploser les ventes physiques. Au final, c’est près de 750 000 exemplaires de Civilisation qui sont écoulés. Mais au-delà de l’attente considérable autour de ce nouvel opus, une édition vinyle sera commercialisée, reflet du retour en force de ce type de produit depuis quelques années maintenant.
Car si peu de personnes ont encore un appareil à vinyle chez elles, l’intérêt pour ce genre de produits est alors davantage dans un but de collection que dans un but pratique à proprement parler, environ 15% des possesseurs·euses de vinyles ne les écouteraient pas (https://www.youtube.com/watch?v=k4jkKOubYuQ (8:24)). Cela fait ainsi partie d’une véritable démarche entreprise par l’auditeur·trice, un vinyle coûtant généralement bien plus cher qu’un abonnement à une plateforme de streaming par exemple, la valeur symbolique de l’album acquis s’en verra renforcée. En raison de l’aspect esthétique de leurs pochettes ou de tout un pan de l’histoire de la musique auquel un vinyle renvoie, cette invention ayant révolutionné à jamais l’industrie à la fin des années 40, le fait de posséder un objet aussi parlant revient en quelque sorte à détenir un peu d’histoire et montrer son attachement à un album en particulier, ancien ou récent, légendaire ou en passe de l’être, ainsi qu’à l’artiste derrière cette œuvre.
Branding / Marketing
Pour un·e artiste, collaborer avec une marque peut présenter de nombreux avantages sur le plan commercial, à la fois pour l’artiste ellui-même et pour la marque en question. Ça permet évidemment à l’artiste de profiter de la notoriété de la marque et donc de gagner en visibilité. Car la musique de l’artiste sera diffusée sur ses réseaux à ellui mais également sur tous les réseaux associés à la marque avec laquelle iel collabore.
Cela permet également à l’artiste d’être associé à la marque dans les esprits, d’être associée à ses succès comme à ses bad buzz. Donc c’est un peu à double tranchant malgré tout. Mais si le partenariat est un succès, l’artiste sera dans les esprits du public dès lors que ce dernier verra la marque de l’entreprise.
Cela permet aussi à l’artiste d’être sponsorisé et de voir ses musiques ou ses tournées rémunérées en échange de la diffusion de panneaux publicitaires, pubs ou logos durant les concerts. Enfin l’artiste peut de cette façon se créer une complicité avec ses fans en leur recommandant les produits de la marque et en leur partageant des codes promos ou réductions.
Et c’est tout aussi bénéfique pour les marques puisque faire un partenariat avec un·e artiste s’apparente pour elles à du celebrity marketing qui a pour effet notamment d’attirer l’attention du·de la consommateur·trice sur leur publicité et de donner de la crédibilité à leurs produits mis en avant par l’artiste.
Parallèlement à leur carrière musicale, nombreux·ses sont les artistes qui sont aussi de véritables hommes/femmes d’affaires via le lancement d’une marque, d’un label ou d’une maison de disques. Cette tendance s’est initialement développée aux Etats-Unis dans les années 90 et s’est exportée à travers le monde. Leur notoriété en tant qu’artiste et la communauté de fans qu’iels se sont créé·es fait généralement partie des consommateurs·trices de leurs marques dès la création.
Parmi celleux qui ont rencontré les plus gros succès se trouvent Jay-z, rappeur Américain et véritable entrepreneur. En effet, Jay-z est copropriétaire de plusieurs bars sportifs haut-de-gammes, propriétaire de 50% d’une maison de champagne très luxueuse, l’un des créateurs de la marque de prêt-à-porter Rocawear et également fondateur d’un label : Roc Nation ; qui a notamment signé des artistes comme Rihanna, Calvin Harris, Alicia Keys…
Nous pouvons également citer Kany West pour la création des Yeezy en collaboration avec Adidas, Rihanna, pour la création de sa marque de cosmétique Fenty Beauty ou Orelsan pour sa marque de prêt-à-porter au grand succès : AVNIER.
Sans parler de tous·tes les artistes ayant collaboré avec des marques de prêt-à-porter pour créer des collections capsules (collections de vêtement produites en nombre d’exemplaires très limités).